Titre : La prochaine fois, le feu
Auteur : James Baldwin
Edition : Gallimard
Collection : Folio Bilingue
Date de parution : 15 août 2024
Genre du livre : Essai
James Baldwin a publié La prochaine fois, le feu en 1962. Pour cette édition 2024, composé du texte anglais et de la traduction de Michel Sciama, le livre est découpé en deux parties : « Et mon cachot trembla… Lettre à mon neveu à l’occasion du centenaire de l’Émancipaion » et « Au pied de la Croix. Lettre d’une région de mon esprit ». La première ne fait que quelques pages, la seconde occupe la majeure partie du livre.
C’est à la fois une chance de pouvoir lire Baldwin dans sa version originale et un défi, lié à la traduction française instantanée. J’ai commencé pour ma part par le texte en français avant de lire sa version anglaise, parfois avec une certaine envie d’en apprendre plus. Car la traduction française semble un peu vieillotte et des phrases s’illuminent en lisant les mots dans la langue maternelle de Baldwin. On en vient à se dire comment Michel Sciama en est venu à traduire certaines phrases qui ne viennent pas éclairer ce texte parfois un peu obscur.
Baldwin écrit un essai ici, se centrant principalement sur la place des Noirs américains dans l’espace social, culturel. Il revient pour se faire à sa jeunesse dans Harlem, à côté des junkies, des prostitué.e.s et des prêtres. Attiré par ce monde de la rue, Baldwin trouvera un certain sens dans une église et très vite, devient pasteur, alors qu’il est encore tout jeune. La prochaine fois, le feu, n’est cependant pas une biographie. Baldwin reste assez flou, autant dans la forme que dans le fond, sur sa vie. Il n’a aucune illusion sur l’église, qu’il compare aux rackets des dealeurs et dealeuses de drogue ni sur ce qui attend la population noire américaine dans l’Amérique raciste blanche.
Le fil de pensée de Baldwin dans The Fire Next Time n’est pas toujours très lisible. Si son combat est très clair, ses écrits manquent de précision ou sont peut-être datés. C’est une manière de dire les choses en coupant les cheveux en quatre tout en évitant le cœur du sujet qui rebute un peu. C’est pourquoi d’ailleurs, si son combat est la lutte pour les droits des afro-américains, le livre n’est nullement un programme politique, car cette lutte est en soi impossible, comme le pressent et le vit l’auteur. Quand on finit le livre, on n’est pas plus avancés sur ce qu’il faudrait faire pour que les Noirs américains se fassent moins tuer et frapper par la police, comme Baldwin l’a lui-même expérimenté.
Le livre se fait plus intéressant, selon moi, lorsqu’il décrit des événements précis. Ainsi de ce moment quand James Baldwin parle de son invitation à rencontrer Elijah Muhammad, leader des Black Muslims et considéré alors comme un grand prêcheur pour la cause des Noirs américains. Sa visite au cœur du culte et de tous ses hommes (les femmes étant mises à part) qui ne font plus qu’un avec Muhammad sont l’occasion de réflexions intéressantes, autant sur cette figure de messie que sur le combat afro-américain. Un des points politiques abordés était de « rendre » des terres et des États (ceux du Sud, 6 ou 8 au total) aux Noirs comme tribut compensatoire pour l’effroi subi par l’esclavage, ses conséquences nombreuses jusqu’aujourd’hui encore et ses morts. Sans savoir si ce discours politique est encore sur la table ou souhaité, en 2024, c’est l’occasion d’une vraie réflexion sur la place des Noirs en Amérique, entre chrétiens et musulmans, et la rétribution éventuelle d’une nation pour toutes les violences quotidiennes, passées et présentes.