Titre : La politique sexuelle de la viande
Autrice : Carol J. Adams
Maison d’édition : Le passager clandestin
Date de parution : 24 janvier 2025
Genre du livre : Essai
Écrit il y a plus de trente ans, La politique sexuelle de la viande est enfin réédité. Ce livre considéré comme une référence en termes de carnophallogocentrisme était devenu introuvable, avant l’intervention des éditions Le Passager Clandestin.
L’importance d’une convergence des luttes n’est plus à prouver dans le milieu militant. De nombreuses causes se rassemblent régulièrement autour d’un but commun, celui de donner leur voix aux minorités. Les maux sont systémiques et, pour de nombreux auteurs, c’est la survalorisation de l’homme blanc, cis, hétéro dans le discours capitaliste, qui est à la base du problème. Mais il faut bien reconnaître que certaines associations – prenons l’écologie et les inégalités sociales par exemple – sont plus évidentes que d’autres. Carol J. Adams, dans sa théorie critique féministe végane, sort carrément des sentiers battus, même si elle tient les mêmes pour responsables.
Et qui dit nouvelle édition, dit nouvelle tenue. Dans une bichromie lumineuse, une madone pose nue, le regard lascif. Mais la sensualité de son attitude est tempérée par la division cartographique de son corps en partie de viande. Il y a le collet, l’épaule, la côtelette, la longe ou encore la selle. La femme semble moins désirable alors que son corps est destiné à la boucherie. La confusion dans laquelle nous laisse la couverture – qui joue sur l’esthétique de la femme et le dégoût de la découpe – reflète assez bien le propos du livre. La politique sexuelle de la viande montre comment l’imagination collective, sous l’égide de l’homme, s’est construite autour de l’objectivation de la femme et la transformation du cadavre animal en objet appétissant. L’argument principal de Carol J. Adams est que l’homme utilise les mêmes outils discursifs pour contrôler le corps des femmes et celui des animaux.
La politique sexuelle de la viande, en montrant que les habitudes carnivores sont autant une construction que les rapports entre hommes et femmes, est un livre que tout le monde devrait lire. Mais c’est aussi, paradoxalement, un livre qui ne peut pas être lu par tout le monde. D’abord, l’angle à partir duquel l’autrice choisit d’aborder son sujet est éminemment théorique. Philosophique même. Il manque donc un peu parfois d’exemplification ou de concrétisation.
Carol J. Adams se concentre, par exemple, énormément sur la notion de référent absent dans le discours carniste et sexiste. Référent absent qui, grâce à la magie du langage, permet aux carnivores de ne pas faire le lien entre la pièce de viande et l’animal mort. Sa thèse est pointue. Et puis, alors même que le livre fête ses trente-cinq ans, il pourrait sonner, pour certains, encore trop radical. C’est dire à quel point, Carol J. Adams était à l’avant-garde sur les questions de féminisme d’abord, mais de véganisme surtout. La politique sexuelle de la viande, en tant qu’objet culte dans les milieux underground et fondateur de la pensée végétarienne, mérite bien son édition anniversaire, accompagnée d’une préface de Nora Bouazzouni (Steakissime) et d’une postface de l’autrice elle-même.