La Nuit se traîne
Réalisateur : Michiel Blanchart
Genre : Action, Thriller
Acteurs et actrices : Jonathan Feltre, Natacha Krief, Jonas Bloquet
Nationalité : Belgique, France
Date de sortie : 28 août 2024
Quand Mady répond au téléphone à l’appel de Claire, il ne s’attend pas à vivre la pire nuit de sa vie. Il est serrurier à Bruxelles et travaille également le jour tombé, pour aider les citadin.e.s rentrant du boulot devant leur porte close, les clés à l’intérieur de leur appart. Cette fois, c’est Claire, qui lui joue néanmoins un mauvais coup : elle le laisse poireauter dans la pièce qu’il vient d’ouvrir, le temps d’aller chercher de l’argent pour le payer. Sauf qu’elle ne reviendra pas, et qu’à la place, les ennuis vont commencer. Les coups, aussi, des voyous et des policiers.
Michiel Blanchart réalise de manière très efficace ce film qu’il faut accepter pour ce qu’il est : un film de genre avec ses passages obligés et ses invraisemblances. Cela dit, il faut noter que je n’ai mentionné ici que le genre du film, et non sa provenance : c’est un film belge, et c’est assez important de le noter car pour une fois, l’adjectif belge (francophone) n’est pas synonyme de misère sociale, des frères Dardenne, de François Damiens ou Benoît Poelvoorde (même si on retrouve un peu l’accent « belge » de cinéma dans l’accent d’un personnage de sorteur de la boîte de nuit Le Boucan).
Évidemment, tout ne fonctionne pas. La deuxième partie, la plus longue, quand l’action est mise en pause, n’est pas tout à fait réussie car elle repose alors sur le jeu. La direction d’acteurs (et d’actrices) du jeune cinéaste doit encore s’affiner. Les conversations ne sont pas très recherchées, le scénario s’embourbe, les invraisemblances virent par moments au n’importe quoi. Les personnages, y compris Mady, pourtant bien interprété par Jonathan Feltre, ne sont pas très caractérisés, et manquent de profondeur vital qui feraient qu’on s’identifierait à eux, à lui, en tant que Mady, figure hitchcockienne du mec lambda qui n’a rien demandé et à qui il arrive des trucs que personne à priori n’a envie de vivre. L’empathie est là, mais tenue à distance, empêchant les larmes ou la joie. Blanchart n’a pas encore non plus totalement trouvé son style de cinéaste, même si c’est le poulain de Sam Raimi et que son prochain film sera hollywoodien, sa patte qui ferait de lui un artiste identifiable ne s’est pas encore imprimée à l’écran.
Pourtant, La Nuit se traîne prend aux tripes, dès les premières minutes du film, comme je ne l’ai plus vécu au cinéma ces dernières années. On s’agrippe à son siège ou à celui de ses voisin.e.s, pris dans les bottes de ces personnages multiples qui recherchent tous la même chose : retrouver une somme d’argent volé. La peur et la tension s’éprouvent dans le corps, le ventre et les oreilles, dans ce train fantôme filmé dans les rues bruxelloises, complètement éteintes, éclairées faiblement par les lampadaires dont sortent une lumière jaunâtre. L’action est lisible, « crédible », si on décide d’accepter les codes du film, et n’a rien à envier à un cinéma où l’argent coule à flot. D’ailleurs, les crashs et les accidents divers qui se télescopent dans le film semblent montrer que l’argent, il y en avait pour produire ce film, et qu’il n’a pas été utilisé inutilement.
Enfin, difficile de terminer ma critique sans mettre en avant que malgré certaines péripéties tirées par les cheveux, il faut louer la démarche de Blanchart de placer cette nuit folle et noire de Mady dans un Bruxelles de révolte, où la violence sociale se fait ressentir et où les manifestations Black Lives Matter, qui prennent de l’ampleur, ne sont pas qu’un token politiquement gaucho correct placé là pour faire bien, mais un vrai artifice scénaristique qui plane tout au long de l’histoire et jouera un rôle déterminant et une nouvelle fois, tragique.