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    « La mouette », l’art de se renouveler

    D’après Anton Tchekhov, par le collectif MxM, mis en scène par Cyril Teste. Du 10 janvier au 13 janvier 2023 au Théâtre National.

    « Tu vois, pour moi, c’est ça le théâtre, un grand espace ouvert sur le lac. », Konstantin.

    Résumer « La mouette » n’est pas chose aisée… Bien qu’il s’agisse d’une interprétation libre du texte d’Anton Tchekhov, traduit par Olivier Cadiot, on assiste à une mise en scène d’intentions multiples qui jouent avec beaucoup de paramètres, sans pour autant vouloir suivre un ligne narrative précise. S’il y a un motif qui unit les personnages sur scène, il est aussi universel qu’impossible à concentrer, c’est l’amour (ou peut-être le manque d’amour ?). Douleur, folie, espoir, voilà les qualificatifs donnés à ce sujet qui transporte la pièce dans une mélancolie complète. La charge émotive endossée par les comédiens est telle qu’il est préférable de venir avec un coeur bien accroché… sinon vous risquez de laisser le lac, cette image omniprésente qui canalise tout le spectacle, et les histoires qui y vivent, vous engloutir.

    Tentons quelque chose : un lac, autrement dit, le lieu qui contient toutes les scènes, une image projetée qui représente ce que les personnages voient. Ce lac est la limite imposée au public pour l’action, on y entend les bruits, on y voit les mouvements formés par les vagues. Ce lac sombre, plongé dans la nuit noir, impose l’ambiance glaciale du spectacle. Dissimulée derrière cette image, une maison où un fils rêve que sa mère le voit comme lui la voit, si magnifique et magnifiée. Cette maison est celle du grand-père, un homme vibrant pour une vie qu’il ne vivra plus, condamné à écouter les récits de son médecin, rêvant par procuration. Il y a aussi les visites de la voisine, une jeune comédienne transposée dans le schéma de tous les désirs, celui de la mère et de la gloire. La pièce s’enfume régulièrement avec les cigarettes fumées par une jeune femme mariée au néant qui déambule dans sa famille tel un fantôme. Dans nos oreilles, se mêlent les aboiements d’un chien attaché au loin, des larmes, des cris… bienvenue dans La mouette.

    Une performance

    Ce qu’on aime avec le théâtre, ou l’art en général, c’est sa capacité à se réinventer. Avec « La mouette », Tchekhov devient la matière première d’un événement, un prétexte à plus, à élaborer, susciter, réinventer. Le collectif MxM, mis en scène par Cyril Teste, nous offre une performance. Ce mot prend tout son sens à travers ce spectacle où l’inspiration, entre oeuvres passées et présentes, entre réalité et fiction, devient une porte d’entrée dont le but n’est pas de dire la vérité, mais bien dévoiler tous les aspects de l’art. La pièce devient un voyage visuel, sonore, olfactif, le spectateur assiste à tous les arts sans plus aucune dissociation, théâtre, film, photographie… L’émotion vient du talent à mixer ce qui peut être réel et ce qui peut être fictif, plus une bonne dose de travail. On suspecte l’investissement du collectif MxM, combiné au travail de Cyril Teste, toute son équipe, ainsi que la distribution incroyable d’y être pour quelque chose.

    À la base, un texte

    Notre cerveau est hyper stimulé car il est dupé. En effet, l’immense écran nous rappelle le cinéma, mais les corps se mouvant sur scène nous ramène au théâtre. Sauf que d’acte en acte, les personnages disparaissent pour se cloisonner dans cette maison abandonnée qui n’apparait plus que sur l’écran mais qu’on devine derrière le panneau. Il s’agit d’abandonner faussement la scène pour tromper le public, et réapparaitre parfois quelques minutes au devant pour rappeler la réalité, la taille d’un comédien fasse aux ambitions de la fiction. Le spectateur n’a que le texte comme berceuse, un programme triste certes, mais d’une très grande beauté. Les mots touchent inévitablement en s’aventurant dans l’intime, les pensées brutes qui traversent tout être humain dans ses moments de désespoir. Enfin presque un désespoir, disons un désespoir mitigé entre l’envie de croire encore à l’amour entre un fils et sa mère, entre une femme et un homme, entre un lecteur et son écrivain… un drame en soit.

    Teaser :

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