La Mort de Staline
d’Armando Iannucci
Comédie dramatique
Avec Steve Buscemi, Simon Russell Beale, Jeffrey Tambor
Sorti le 18 avril 2018
Après la mort de Staline, le 5 mars 1953, des luttes de pouvoir émergeront dans l’entourage du défunt dictateur. Entre tentative d’assurer leur propre survie et volonté de prendre la tête de l’Empire soviétique, Beria (Simon Russell Beale), Malenkov (Jeffrey Tambor), Krouchtchev (Steve Buscemi) et Molotov (Michael Palin) maniganceront afin de maintenir l’intégrité de l’URSS.
Deux jours avant sa sortie en Russie, La Mort de Staline créait déjà la polémique. Le ministère de la Culture en a donc tout simplement annulé la diffusion, considérant le film comme « extrémiste » et dénonçant des attaques envers « des symboles nationaux russes ». Cette polémique est intéressante à deux égards : premièrement, elle montre à quel point la Russie est aujourd’hui dans une position ambiguë, allant jusqu’à assumer un passé sombre et destructeur au point de le défendre ; ensuite, elle nous ramène quatre ans en arrière, à l’époque ou L’interview qui tue défrayait lui aussi la chronique pour des raisons équivalentes. Cependant, comme ce dernier film, La Mort de Staline, est loin d’être un monument de cinéma et son aura semble davantage tenir à la polémique née de sa sortie.
Ainsi, dans le déroulement du récit, de nombreuses situations prêteront à sourire mais provoqueront rarement l’hilarité. Beaucoup d’éléments comiques tomberont ainsi à plat et l’on sera alors déçu devant le manque d’exploitation de si grands talents comiques. À cet égard, on déplorera particulièrement la quasi-absence de l’ancien Monty Python, Michael Palin, brièvement présent au début du film puis invisible durant près de quarante minutes.
Cependant, il convient de s’interroger sur la façon dont le film doit être vu : s’agit-il d’une pantalonnade ou d’une satire cynique ? L’un n’empêche bien entendu pas l’autre mais le casting du film et sa promotion laissent envisager un film délirant, alors que l’humour ne fait que rarement mouche…
C’est donc dans la satire qu’il faut chercher les qualités de La Mort de Staline. De ce point de vue, plusieurs éléments d’apparence anodine donneront corps à l’intrigue : au moment de la découverte du corps de Staline, chaque successeur potentiel prendra soin d’improviser une tirade destinée à éclipser celle des autres. La même séquence verra les quatre candidats embarrassés à l’idée d’appeler un médecin pour venir en aide au dictateur : les meilleurs médecins ayant été envoyés au goulag, ils auront peur que Staline guérisse et découvre avoir été soigné par un spécialiste inexpérimenté.
En somme, diverses petites touches humoristiques viendront dénoncer le régime stalinien de manière amusante mais le film ne parviendra que rarement à devenir réellement comique. La Mort de Staline souffre donc d’une difficulté à trouver son style et, si l’on pourra saluer le fond visant à souligner la triste ironie des jeux de pouvoir, la forme sera quant à elle peu convaincante.
Dans cette dynamique, on pourra encore déplorer qu’un tel film soit réalisé par des Anglais sur base d’une bande dessinée française : c’est au fond l’éternel jeu de l’Ouest pointant le doigt vers l’Est. L’impact eut été différent si les Russes avaient eux-mêmes donné naissance à une telle réalisation, assumant par là-même leur histoire tout en parvenant à en rire. Les Allemands l’ont fait en 2007 avec la comédie Mein Führer – Die wirklich wahrste Wahrheit über Adolf Hitler, puis encore en 2015 avec le brillant Er ist wieder da, et il aurait été intéressant de voir un procédé similaire naître en Russie sur base de l’histoire soviétique.
Quoi qu’il en soit, La Mort de Staline n’est pas un film mémorable, ne provoquera que rarement le rire et reste finalement très en surface dans sa dénonciation du stalinisme. Nous lui préféreront donc l’œuvre originale de Fabien Nury et Thierry Robin, parue en deux tomes aux éditions Dargaud entre 2010 et 2012.