De Tennessee Williams. Mise en scène de Thibaut Nève. Avec William Clobus, Patricia Ide, Sarah Lefèvre et Louis Sylvestrie. Du 7 novembre au 31 décembre 2018 au Théâtre Le Public.
Une histoire de famille monoparentale qui se déroule à Saint-Louis, aux Etats-Unis. Une mère qui tente par tous les moyens d’améliorer la vie de son fils et de sa fille pour qu’ils aient un avenir plus prometteur que le sien. Un meilleur métier pour Tom et un mari pour Laura. Mais la vie n’est pas simple et on ne change pas la nature des gens si facilement.
Tennessee Williams, auteur originaire du Mississippi, aborde toujours des instants de la vie qui peuvent paraître anodins, mais dont la puissance dramatique expose de belles réflexions sur la vie. Des histoires de familles, de couples ou de religion et de morts. Et à chaque fois, on passe du sourire face à la simplicité de l’existence jusqu’à la colère de la triste réalité. Et toujours avec des pensées et des dialogues forts. Ses œuvres les plus connues sont Un tramway nommé Désir et La Chatte sur un toit brûlant, vus et revus à a toutes les sauces autant sur les planches que sur grand écran. Dans un La Ménagerie de verre, on retrouve une part biographique de Tennessee Williams. Notamment dans le personnage de Tom, jeune poète à ses temps perdus.
Le public s’installe autour d’un décor à la fois simpliste, fait de structures délimitant l’intérieur et l’extérieur de la maison, mais aussi détaillé pour nous projeter dans le passé. C’est comme si les spectateurs étaient postés à chaque fenêtre de ce logis pour scruter le moindre geste de cette petite famille. Et tout va se dérouler dans cette maison en huis-clos. Chaque fois qu’un personnage disparaît, il emporte avec lui le mystère de ses activités externes.
« J’vais au cinéma ! »
Tom Wingfield, joué par William Clobus, le fils. Il est également le conteur de l’histoire. Sous sa poésie et son observation mêlée d’audace, il nous emporte dans les soucis de son quotidien. Tom aimerait tant s’échapper, voyager, mais il est prisonnier des envies de sa mère. Sans lui, sa famille ne pourrait pas survivre. Il le sait bien, mais pourra-t-il l’assumer éternellement ? Le timbre de voix de William Clobus rend son personnage vivant et il maintient l’énergie de la pièce. Ce qui se confirme par quelques diminutions de dynamisme lorsqu’il disparait.
Amanda Wingfield, jouée par Patricia Ide, la mère. Une maman grande et forte, mais également pleine de sensibilité. Elle raconte continuellement sa jeunesse, ses 17 galants, la rencontre de son mari, sa fougue de jadis. Et si ses histoires sont emplies de gaité, elles virent à la mélancolie. Patricia Ide apporte à ce personnage une telle douceur et tant de langueur qu’on lui pardonnerait toutes ses maladresses envers ses enfants. Une mère avec une belle force pour gérer sa famille sans ce mari qui s’est enfui. Au début, lorsque Patricia Ide cafouille son texte, on se demande si on va pouvoir s’accrocher à cette sensation de gaucherie. Et finalement, ça ajoute du naturel à cette maman qui veut bien faire. Tout doit être parfait pour ses enfants. Pour sa fille.
Laura Wingfield, jouée par Sarah Lefèvre, la fille. Elle est infirme. Ou un peu handicapée. En tous cas, elle a du mal à marcher et ça l’a toujours dérangée. Elle est timide maladif. A tel point qu’elle passe son temps chez elle, à s’occuper de sa ménagerie de verre. De jolies statuettes uniques et si fragiles. Sarah Lefèvre propose une jeune femme d’une extrême fragilité. Sa démarche, l’hésitation dans sa voix et ces petits gémissements lorsqu’une question la paralyse donnent un personnage dont on ne peut s’empêcher une profonde compassion. Pauvre enfant. A la limite de l’agacement tout de même. On a presque envie de la secouer pour qu’elle se réveille, pour qu’elle vive réellement comme elle le souhaite. Mais son récit le fera avant nous.
Jim O’Connor, joué par Louis Sylvestrie, l’ami. Invité par Tom, son collègue et ami, il se retrouve au milieu de cette famille. Et bien malgré lui, il en sera une possible solution, mais également source d’angoisses. Et à sa façon, il bouleversera les trois autres protagonistes. Louis Sylvestrie adopte un style très décontracté de ce jeune homme plein d’ambition et de vivacité. Si les autres personnages sont plus posés, celui-ci a la bougeotte. Il ne peut pas tenir en place. Et pourtant le public et tous les dialogues qui l’assaillent le prient d’arrêter de bouger, de s’immobiliser, de rester.
« Un père et une mère irlandais et il n’est pas devenu ivrogne ? »
La mise en scène apporte beaucoup de mouvement à ce huis-clos. Le public se retrouve également en tête-à-tête avec chaque comédien, retenu par un clair-obscur. Les lumières donnent une magnifique image aux scènes et guident le ton de chacune d’entre elles.
Une pièce aussi commode que belle qui démarre d’un fait divers, d’une simple vie et qui apporte petit à petit de l’espoir. Mais comme souvent avec Tennessee Williams, la dure réalité revient pour nous flanquer une belle claque. On n’en sort aucunement frustré, mais plutôt ravi. En tous les cas, toujours plus que la famille Wingfield.