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    « La Mélancolie de celui qui vise juste » est la solitude du rêveur

    Titre : La Mélancolie de celui qui vise juste
    Auteur : Lewis Nordan
    Editions : Monsieur Toussaint Louverture
    Date de parution : 17 juin 2021
    Genre : Roman

    Son unique magasin tapissé de boîtes de conserve, son île perdue au fond d’un lac et son club improvisé de tir à la carabine, Attrape-Flèche est à l’image du récit qui nous attend, naviguant entre le rêve et la réalité. Lewis Nordan s’inscrit dans cette lignée d’écrivains américains tels que Steinbeck ou Faulkner, qui décrivent les villages perdus dans les terres avec tellement de précision qu’ils en font presque un acteur du récit, et même un acteur bien particulier, somme de toutes les extravagances des personnages qui l’habitent. A Attrape-Flèche, on retrouve Hydro surnommé ainsi pour l’hydrocéphalie dont il souffre, Morgan le fou de la gâchette et le Lucky Luke des temps modernes ou encore Louis qui rêve de devenir Gerald Mc Boing Boing pour échapper aux disputes de ses parents.

    Aussi dramatique que la vie semble l’être pour ces personnages, elle est aussi paisible. Du moins, elle l’était jusqu’au jour où deux enfants étrangers, au regard doux et au caractère sombre, s’approchent du Guillaume Tell – l’épicerie et épicentre du village – dans le but de le braquer. Pas de chance pour eux, ce sont les pieds devant que nos voyous repartiront. Leur mort donne à Nordan l’occasion de s’amuser avec ses personnages qui s’agitent dans tous les sens, nous livrant leurs peurs et leur passé dans une ambiance franchement bien barrée.

    Comme il s’inspire de son village du Mississipi pour imaginer Attrape-Flèche, Nordan s’inspire de son vécu pour écrire La Mélancolie de celui qui vise juste. Car de la mélancolie, il y en a à revendre. Œuvre phare dans la bibliographie de l’auteur, parue en anglais en 1995 et pour la première fois traduite, c’est avant toute chose un livre qui parle de la solitude et qui lui a été inspiré par le suicide de son fils. Et pourtant derrière toute cette tristesse se cache de la joie, comme derrière la réalité se trouve la poésie. L’histoire d’Hydro et de tous ses amis est contée à la manière d’un rêve éveillé, annihilant les frontières qui séparent ce qui existe de ce qui n’existe pas – la parole utilisée, ici, pour créer, à partir de la tristesse du réel, une échappatoire que partagerait l’auteur avec son lecteur.  Toujours dans cette même dynamique, La Mélancolie de celui qui vise juste, c’est aussi une manière détournée d’aborder par le rire, la survalorisation de l’arme à feu dans le paysage américain.

    Utilisant juste ce qu’il faut de détails et de paroles pour nous raconter les couleurs qui viennent chatouiller le lac et les animaux improbables qui s’y abreuvent, Nordan nous prend tranquillement par la main et nous plonge dans un univers qui n’est pas sans rappeler un Tortilla Flat ou encore Cent ans de solitude. On pleure la mort des oiseaux qui n’étaient pas imperméables et on rigole des aventures de Morgan qui n’a pourtant jamais tué de Mexicain. Véritable marque de fabrique de la maison d’édition, le fond est aussi léché que la forme. La Mélancolie de celui qui vise juste, avant d’être une histoire est aussi un objet-livre, agréable à manipuler et qui présente bien dans votre bibliothèque.

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