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    La maison d’en haut domine un village en soins palliatifs

    De et par le collectif Besili Trafic, avec Luna Schmid, Gaspar Narby, Gilles Escoyez, Merlin Delens, Sophie Schmid, Laurie Perissutti et Jérôme Castin. Du 16 janvier au 27 janvier 2024 au Théâtre de la Vie.

    Autour d’une table, trois personnes s’affairent à construire, en terre glaise, un village à échelle réduite. On peut suivre l’avancement des travaux en direct sur un grand écran.

    Arrive Gaspar qui se présente comme musicien. Il a grandi à Porrentruy, une petite ville du Jura suisse où tout le monde se connaît. Pour situer, la police a récemment communiquer que les chances de se faire voler sa voiture diminuent si elle est verrouillée. Il y a huit ans, il a déménagé à Londres qui compte neuf millions d’habitants. « un lieu est plus qu’un lieu, explique-t-il, c’est une identité, une société à petite échelle ».

    Pour comprendre le fonctionnement de ce type de petite société, lui et les autres membres du collectif belgo-suisse Besili Trafic ont fait une expérience d’immersion collective dans un petit village choisi en fonction de critères précis : moins de 1.000 habitants mais disposant d’une école d’un bar, une église et avec la possibilité d’être hébergés gratuitement. Le village de Bonfol leur a semblé particulièrement éloquent. D’une part, parce que on ne passe pas à Bonfol, on s’y rend. D’autre part, parce que dans le village, il y a un trou, apparu on ne sait comment ni pourquoi, et qui grandit inexorablement.

    L’écran nous plonge en image dans le trou sur fond de mélopée à plusieurs voix. Un personnage informe, claudiquant en s’appuyant sur deux cannes, traverse le paysage derrière l’écran avant d’apparaître sur le plateau. Brigitte est rejointe par une sorte de DJ portant un casque de moto, Kido qui harangue le public tente de mettre l’ambiance avant de se lancer dans un rap. On embarque dans un ascenseur qui, par la magie d’un effet spécial simple mais efficace, remonte du fond du trou vers la surface, non sans quelques ratés.

    Dans une salle de bistro décrépit, cela discute ferme autour d’une table. Outre Brigitte, il y a le maire, Dédé dont le visage arbore de drôles de mandibules. Colette, dont la tête est ornée d’oreilles et de cornes, s’inquiète de l’état du bistro dont elle est la tenancière. L’enseignant Pierre-Yves, dans le dos duquel semble pousser une branche d’arbre, est lui inquiet pour son avenir, son poste étant amené à disparaître. Une dernière femme arbore une sorte de nid en guise de coiffe.

    L’ordre du jour prévoit d’aborder la soirée choucroute, le terrain de foot, les problèmes d’ascenseur et la reprise de la mairie. A ce propos, Dédé, fatigué, ne souhaite pas rempiler mais les candidats ne se bousculent pas au portillon. Différentes propositions fusent dont celle de Pierre-Yves qui va jusqu’à remettre en cause la nécessité d’avoir encore un maire. « Dans ce village, nos corps s’adaptent depuis des années mais nos esprits restent étriqués », lance-t-il, dépité.

    Fiction et documentaire

    La Maison d’en haut est construite autour de deux axes narratifs : la fiction qui donne naissance à la fable du village et l’axe documentaire constitué par les prises de parole des artistes afin de donner des clés de lecture au public. Les personnages hybrides – l’hybridation symbolisant notre façon de réagir à l’environnement, particulièrement lorsqu’il est bouleversé – portent la fiction tandis que les comédiens, non hybrides, amènent le côté documentaire.

    Celui-ci nous apprend que le trou de Bonfol, à l’origine village de potiers, a été creusé pendant longtemps pour en tirer de l’argile. Quand l’usine à tuiles a fermé, le trou est devenu, entre 1961 et 1976, une décharge pour les produits chimiques d’un consortium d’industries bâloises, contaminant lourdement le village et ses environs. La capacité de la décharge atteinte, le trou a été rebouché mais l’affaire ne se termine pas là étant donnée la pollution du terrain par quelque 200.000 tonnes de matériaux contaminés. Après accord avec les entreprises incriminées et l’intervention du canton et de la Confédération, le site fut assaini en 2016 et renaturé en 2018-2019. Toutefois, vu la persistance de certaines substances, de nouveaux travaux sont prévus en 2024.

    Créé en 2021, le collectif Besili Trafic rassemble sur scène sept artistes pluridisciplinaires. Tous ne sont pas comédiens, il y a certes des musiciens mais, également, une céramiste. Ils utilisent différents langages comme la parole, la musique et un travail plastique notamment autour de la manipulation de l’argile et d’objets. Cette création collective et créative raconte ce qu’est la vie avec le trou, métaphore du changement qui s’installe peu à peu. Cet univers à la poésie crue questionne le vivre-ensemble dans un monde hanté par le spectre de l’effondrement et résonne comme une utopie qui nous permettrait de nous réinventer après un bouleversement majeur.

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