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    La Machine ne ferme jamais les yeux : une histoire de la surveillance en BD

    Couverture de la BD La Machine ne ferme jamais les yeux (2021)

    Scénario : Yvan Greenberg
    Dessin : Joe Canlas et Everett Patterson
    Éditeur : Delcourt
    Sortie : 26 mai 2021
    Genre : Documentaire

    La Machine ne ferme jamais les yeux est une bande dessinée documentaire, traduite de l’américain, qui explore en 17 chapitres l’histoire de la télésurveillance. Malgré des parallèles historiques intéressants, on reste un peu sur sa faim.

    Une succession chronologique d’épisodes clés

    Malgré un titre et une couverture qui évoquent la télésurveillance de 1984 (le titre du roman dystopique de George Orwell) à Facebook, La Machine ne ferme jamais les yeux traite en réalité de l’espionnage sous toutes ses formes d’un point de vue sociologique et historique. Les premiers chapitres évoquent ainsi l’espionnage dans les récits de l’Antiquité grecque (la légende du cheval de Troie) ou encore le thème du voyeurisme dans la Bible. Quoiqu’intéressantes, ces comparaisons n’apportent pas grand-chose à la compréhension des mécanismes contemporains de télésurveillance, et on a l’impression de n’entrer dans le vif du sujet qu’à partir du chapitre 11.

    Si certains concepts sont expliqués de manière claire, comme la biométrie où le modèle du panoptique développé par Bentham au XVIIIe siècle, la valeur didactique vient principalement des textes. Les dessins, en noir et blanc, se content d’illustrer le thème sans véritablement contribuer à la compréhension. On aimerait en savoir plus sur les mécanismes de surveillance modernes et les moyens de s’en prémunir – des sujets abordés brièvement dans la préface de Ralph Nader, le célèbre défenseur des droits des consommateurs américains.

    Une approche très centrée sur les Etats-Unis

    Autre source de déception : les exemples contemporains qui, en très grande majorité, s’inspirent de l’histoire des Etats-Unis. Le contrôle des esclaves puis des noirs-américains comme mécanisme d’oppression ou encore le rôle de l’espionnage dans la lutte contre les communistes pendant la guerre froide donnent lieu à des réflexions intéressantes, mais on regrette que les systèmes de surveillance en Europe de l’Est, en Russie et en Chine soient à peine évoqués. Rien non plus sur le débat autour du RGPD en Europe, qui est pourtant en grande partie une réaction aux révélations d’Edward Snowden et aux scandales de ces derniers années impliquant les Etats comme les géants de l’internet.

    La Machine ne ferme jamais les yeux est donc un ouvrage qui pourra plaire à ceux qui veulent parcourir de manière ludique quelques épisodes historiques clés illustrant les dangers de l’espionnage à grande échelle. Il risque toutefois de décevoir ceux qui cherchent des clés pour mieux résister aux mécanismes de surveillance contemporains.

    Soraya Belghazi
    Soraya Belghazi
    Journaliste

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