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    La Loi des pères, la parole des enfants passée sous silence

    Titre : La Loi des pères
    Auteur : Patric Jean
    Editions : Rocher
    Date de parution : 22 janvier 2020
    Genre : document

    Si l’appareil judiciaire ne vous inspire plus vraiment confiance, il y a peu de chance qu’après la lecture du nouveau livre-enquête de Patric Jean vous vous réconciliiez avec celui-ci. Dans La Loi des pères, l’auteur et réalisateur belge met en lumière l’aveuglement de la justice et de la société face à l’inceste et à la pédophilie. Témoignages à l’appui, il lève le voile sur un phénomène encore trop méconnu et tabou : la parole des enfants – victimes d’agressions sexuelles et de viols principalement dans le cadre familial – n’est pas reconnue devant les tribunaux.

    Lors de sa minutieuse enquête, Patric Jean (La Domination masculine, la Raison du plus fort) a recueilli des chiffres et des faits qui font froid dans le dos : 3 à 6% des enfants en France subissent une agression sexuelle ou un viol (ce qui revient à un ou deux enfants par classe de 30 élèves) avant la fin de l’adolescence. La majorité de ces crimes et délits sont commis dans le cercle familial. Et 70% des plaintes sont classées sans suite. Pourquoi, une fois les faits révélés, ces crimes restent impunis ? Pire encore, pourquoi, malgré des signalements effectués par des professionnels de la santé et des accusations de mères, les enfants abusés sont souvent confiés aux pères incestueux ?

    D’où vient ce déni de la pédophilie ? C’est tout l’intérêt de l’enquête de Patric Jean qui, chiffres à l’appui, mais également à grands renforts de références sociologiques, historiques et anthropologiques démontre que l’idéologie patriarcale domine notre société et assure l’impunité des pédocriminels.

    Le SAP, un syndrome qui fait des ravages

    C’est lors du tournage de La Domination masculine que Patric Jean a réalisé l’ampleur du problème en infiltrant un puissant réseau de masculinistes canadiens. Constitué essentiellement de pères divorcés et de quelques Incels (célibataires involontaires), ce groupe de militants misogynes puise son argumentaire dans les théories de Richard A. Gardner, un psychanalyste et psychiatre américain dont les thèses n’ont jamais été reconnues par des revues scientifiques, inventeur du Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP). Selon lui, dans la plupart des cas, les enfants qui dénoncent une agression sexuelle souffrent du SAP. Autrement dit, quand un enfant fait une déclaration de cet ordre, c’est bien souvent le fruit de l’imagination de sa mère perverse et manipulatrice qui fait tout pour écarter son ex-conjoint de la cellule familiale.

    Cette théorie est propagée par des experts comme Hubert Van Gijseghem qui forment des professionnels, donnent partout des conférences et finissent par imposer leur idéologie dans la société et dans le système judiciaire.

    Les accusateurs accusés

    Pour démontrer les ravages provoqués par ce recours au SAP, Patric Jean livre plusieurs récits édifiants de victimes dont il atteste l’authenticité. Des récits de vie insoutenables, à la fois différents et tellement proches, où il est question d’une justice qui fragilise les enfants abusés au lieu de les protéger. Le signalement des professionnels (médecins, psychologues), les accusations des mères et la parole des enfants sont à chaque fois remis en question au profit du « syndrome d’aliénation parentale ». Et la sentence tombe comme un couperet : la justice finit par confier la garde de l’enfant ayant subi des sévices sexuels au père abuseur.

    Le livre revient également sur l’instrumentalisation des conseils de l’ordre des médecins prompts à accuser systématiquement de dénonciation calomnieuse des pédopsychiatres et autres spécialistes de l’enfance signalant des enfants abusés.

    L’aventure pédophile prônée par les post-soixante-huitards pour protester contre l’ordre moral bourgeois avec son slogan « il est interdit d’interdire » a beau être loin, le chemin vers la reconnaissance des enfants souillés par des violences sexuelles semble encore bien long. Et pourtant, il y a urgence.

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