Titre : La gaie panique
Auteur : Mickaël Tempête
Éditions : Divergences
Date de parution : 13 septembre 2024
Genre : Essai
Le 18 juillet 1960, le député français Paul Mirguet présente devant l’Assemblée nationale un sous-amendement à un projet de loi cherchant à lutter contre divers « fléaux sociaux » (comme l’alcoolisme, le proxénétisme, etc.) : son but personnel est de combattre l’homosexualité qui risquerait de pervertir la nation entière. Partant de là, Mickaël Tempête répertorie divers étapes d’une histoire de l’homosexualité masculine en France, post-seconde guerre mondiale. Il passe d’abord en revue des tentatives pour lutter contre avant que l’État « ne change de camp » et s’affiche alors ouvertement contre l’homophobie.
Peut-être le titre est-il trompeur (La gaie panique, une histoire politique de l’homophobie), toujours est-il que s’il s’agit bien d’histoire, elle est ponctuée de nombreux trous. Il se trouve d’ailleurs que l’auteur, Mickaël Tempête, est membre de la revue « Le Trou Noir » et bien que je n’aie jamais lu ce magasine qui se veut fer de lance de la dissidence sexuelle, cette « panique gay » ressemble parfois à un collage d’articles divers sur le même thème. On passe de Paul Mirguet à Jean-Marie Le Pen, d’une émission de télé de Ménie Grégoire sur « la souffrance » homosexuelle perturbée par des militant.e.s du FHAR aux applications de géo-localisation permettant de déclarer à la police une violence commise envers les homosexuels, dans un cheminement sinueux embrassant la psychanalyse, le SIDA, Édouard Louis, etc. C’est beaucoup, et la « lisibilité » de l’ouvrage n’y gagne pas en cours de lecture, alors que les prémisses laissaient présager un ouvrage plus « classique ».
Cela étant dit, Mickaël Tempête revient donc sur ces moments politiques français, exposés médiatiquement, où il était encore de bon ton ou du moins pas répréhensible de s’attaquer ouvertement aux homosexuels (l’ouvrage s’intéresse surtout à l’homosexualité masculine, même si toute la rhétorique homophobe d’alors possède des échos effrayants avec les discours d’aujourd’hui « anti woke »). Peu intéressé par les détails de l’Histoire, Tempête prend appui sur des intellectuels comme Guy Hocquenghem, David Halperin ou encore Lee Edelman (et cite à peine Foucault, trop « tendance » peut-être ?) pour théoriser cette haine.
« Il n’y a pas en réalité de “logique homophobe“, mais plutôt une absence de logique, des résistances paniques à un trouble métaphysique produit par le désir homosexuel ». Pour sa décharge, et comme il l’écrit bien ici, il est difficile de faire l’histoire de cette homophobie qui porte si mal son nom et qui se présente sous d’innombrables formes, autant que l’homosexualité elle-même, qu’il est impossible également de circonscrire et de définir. La gaie panique permet de réfléchir sur les termes qui sont en jeu, comme lorsqu’il parle de cette idée illogique d’avoir appelé cette haine, l’« homophobie », étymologiquement « la crainte de son semblable », « en retranchant le sexe du mot lui-même », comme il l’écrit. Tempête analyse aussi les liens entre l’État, la police, l’homophobie et le racisme, et c’est là qu’il est d’autant plus intéressant. Il pointe également ce curieux phénomène qui voit maintenant une partie des homosexuels protégés par l’État, par la police, au point de n’avoir plus peur d’afficher leur propres conceptions racistes contre les corps qui ne correspondraient pas à une nouvelle norme. En cela, ses réflexions, qui demandent probablement une certaine habitude de lecture académique ou militante, méritent d’être partagées et commentées.