auteur : Pascale Robert-Diard
édition : janvier 2016
sortie : L’iconoclaste
genre : chronique judiciaire
La déposition est un polar judiciaire. Et une histoire vraie. Celle de Maurice Agnelet, avocat accusé du meurtre de sa jeune et fortunée maîtresse à Nice dans les années 70. Pascale Robert-Diard ne se borne toutefois pas à relater une affaire ayant déjà connu son heure de médiatisation. Elle nous raconte l’enquête judiciaire depuis la perspective de Guillaume Agnelet, fils, co-auteur et victime d’un secret de famille.
En 2014, Maurice Agnelet est condamné à 20 ans de prison pour le meurtre d’Agnès Le Roux fin de l’année 1977. Ce verdict tombe après plus de 37 ans de rebondissements dans une enquête sur un crime sans cadavre. Cette sentence est prononcée cinq jours après que Guillaume Agnelet, le fils aîné de l’accusé, soit venu remettre à la justice française des années de silence. « La déposition » est donc l’histoire d’une affaire judiciaire, avec son ambiance d’enquête, d’avocats, de tribunal, mais c’est surtout celle d’un secret de famille destructeur.
« La vie se permet des combinaisons qu’aucun romancier ne peut se permettre, sous peine de tomber dans le « romanesque »»*. L’affaire Agnelet semble le confirmer. Tous les ingrédients du polar sont présents : une maîtresse jeune et amoureuse, naïve, de l’argent, de la manipulation, un peu de perversion et un secret de famille comme une chape de plomb. Pourtant, s’arrêter là ne serait pas faire justice à l’écriture de Pascale Robert-Diard. Pour preuve, l’affaire Le Roux avait été adaptée au cinéma en 2014 par André Téchiné dans L’homme qu’on aimait trop. Jugé d’une facture trop classique, le film n’aura pas marqué les esprits avec une histoire ayant déjà trop défrayé la chronique pour encore passionner.
Tout le contraire de La déposition. Alors que la plupart des éléments sont dès le départ connus du lecteur, Pascale Robert-Diard, chargée de la chronique judiciaire au Monde, réussit à nous emporter dans un récit accrocheur. Le style est assez romancé pour offrir une lecture fluide et agréable, mais évite les fioritures littéraires qui nous éloignerait du sujet et de la complexité des protagonistes. Humaine, vertigineuse, celle-ci est bien rendue par l’auteure qui, en se focalisant sur Guillaume Agnelet, a choisi un angle de narration inédit. Sans verser dans une dérive ronflante, La déposition a quelque chose de la tragédie grecque, tant Guillaume Agnelet est déchiré entre un devoir familial qui le détruit et un sens moral qui le met en danger.
Présenté comme un « thriller psychologique », La déposition est surtout un livre fin et captivant. Il est une alternative bien venue dans un genre policier très codé et dernièrement dominé par les auteurs scandinaves. Un livre à recommander donc.
* Victor Klemperer, « LTI, La langue du IIIème Reich : carnets d’un philologue ».