Titre : La danse et l’incendie
Auteur.ice : Daniel Saldaña Paris
Edition : Métailié
Date de parution : 14 février 2025
Genre du livre : Roman
Daniel Saldaña Paris raconte l’histoire de Cuernavaca, ville mexicaine prise par un incendie et des vents étouffants de cendre. Dans cette humeur de fin du monde, un trio vit et respire cet air dégueulasse : Natalia, Lapin et Erre. Adolescents ayant échangé leurs premières caresses et leurs premiers joints, devenus adultes, ils affrontent à leur manière le temps qui passe, la vie qui leur file sous les doigts, leurs parents qui vieillissent et une mystérieuse vague de gens qui se mettent à danser.
La première partie de La danse et l’incendie est proprement fascinante. Le « je » qui narre le récit nous met dans la peau de Natalia, chorégraphe qui s’est mise en couple avec un peintre beaucoup plus vieux qu’elle, déjà connu à l’époque de leur début officiel. D’un humour acerbe, sûre d’elle-même, indépendante, Natalia nous raconte son quotidien de travail, elle qui a reçu la commande d’une création d’une danse dans un jardin public, avec l’aide non recommandée de son mari et ses soutiens bien placés dont elle ne veut pas profiter. Elle nourrit amoureusement ses bromélias entre deux recherches sur les sorcières ou les transes.
Ce début est passionnant, le ton adopté est vif, intelligent, mordant. Saldaña Paris décrit à merveille la relation qu’elle entretient avec son mari, emplie d’un quotidien d’agacements et de petites touches qui créent des personnages crédibles et attachants. La description de cette relation est mise en parallèle avec les recherches de Natalia pour créer sa danse prochaine, qu’elle voudrait comme un grand doigt d’honneur aux bourgeois qui viendraient voir le spectacle. Elle souhaite faire revivre ces transes qui voyaient, au Moyen-Âge, des hommes et des femmes, surtout des femmes, se mettent à danser dans la rue, entrainant avec elles tout un monde vivant jusqu’à la mort, épuisé d’avoir trop dansé, ces femmes qui étaient jugées ensuite, si pas encore mortes, et condamnées au bûcher pour hérésie.
La danse et l’incendie se lit donc d’une traite jusque la page 86. Les informations que Natalia drainent permettent d’avoir un aperçu de la danse qu’elle crée. Puis, soudainement, on réalise que le bouquin va être divisé en trois. Pour la partie deux, le narrateur sera Erre, ancien petit ami de Natalia. Et là, c’est le début du calvaire, autant pour nous que pour lui.
Erre a mal partout, une douleur lancinante et hallucinante, dans sa mâchoire, son cou, ses cervicales. Sa femme l’a quitté, il n’a plus de boulot, il est retourné vivre chez ses parents, dans cette petite ville de Cuernavaca. Et… c’est tout. Pendant 70 pages, on va vivre de l’intérieur la douleur de cet homme, qui n’a plus vraiment de but dans la vie et qui nous ennuie par son manque d’intérêt narratif. Si Saldaña Paris avait de l’or dans les mains, il dilapide tout son potentiel fictionnel pour se diriger vers ses deux protagonistes mâles sans reliefs, un malade, Erre donc, et l’autre conspirationniste, Lapin. Natalia ne reviendra plus.
L’incendie, qui porte le titre du roman, est un trompe l’œil. Il n’en sera quasiment pas question et il n’apportera rien à la narration. La scène de danse chorégraphié par Natalia, qu’on espérait dantesque, est racontée de manière épuisante et anecdotique par deux personnes lambda sur un banc. Comme un lent effondrement, le livre est compliqué à lire jusqu’au bout.
Si on compare l’auteur à Philip Roth de manière inconsidérée et énigmatique, sur le quatrième de couverture, ce serait plutôt au chilien Alejandro Zambra, pour sa description du quotidien relationnel et les souvenirs adolescents du trio principal que Daniel Saldaña Paris fait penser, ainsi qu’à Natalia Garcia Freire pour son univers incendiaire et son ambiance fin de monde.