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    Kunstenfestivaldesarts : Somnia, Savašun et conclusion

    Pour clore cette édition du Kunstenfestivaldesarts, nous avons assisté à deux pièces de danse aussi étonnantes que différentes. La première a débuté au château de Gaasbeek avant d’investir le grand parc autour. Au cœur de la végétation, quarante danseurs déclament la tragédie Somnia de Shakespeare. S’ils sont nombreux, le public l’est encore plus. Différents échanges se déroulent aux quatre coins du grand parc, des duos se forment. Nous en suivons certains, ceux qui attirent le plus notre attention, et sans le savoir nous commençons un parcours particulier. D’autres groupes vivent la même expérience parallèlement, nous nous croisons quelques fois avant de nous rejoindre. Nos regards ne cessent d’être happés, un danseur est perché sur un arbre tandis qu’un autre est enfoui dans la mousse et les branches mortes. Ils se jouent de la nature et se donnent la réplique dans un mouvement vif, qui ne laisse pas de répit.

    (crédit photo : Michel Petillo)

    En même temps que les actes défilent, le soleil se couche. Nous devons nous adapter à l’humidité, à la température et à la lumière qui changent. Les personnages s’illuminent entre eux grâce à des lampes torches, l’ambiance se métamorphose. La traversée est construite avec minutie : le point de vue, l’éclairage, le mouvement et les transitions sont pensées. Malgré la longueur du texte et l’histoire parfois compliquée à suivre, nous nous laissons porter par le mouvement, la course des corps qui se rencontrent. L’ensemble des danseurs nous livrent un dernier acte impressionnant à l’aide des chorégraphies de Anne Teresa de Keersmaker que l’on reconnaît si bien par ses lignes, ses directions, ses sauts… Cette balade de près de quatre heures est à la fois frénétique et méditative. Somnia nous conte un récit épique impacté par la nature et le temps, nous permettant de reconsidérer l’espace et nos sensations. Vous pouvez vivre cette expérience poétique et ludique jusqu’au 9 juin.

    (crédit photo : Otto Zinsou)

    Le lendemain nous avons assisté à Savašun de Sorour Darabi présenté à La Raffinerie. À peine l’artiste arrivé dans la salle que sa sensibilité écrasante contraste avec la frénésie du monde extérieur. Ses yeux d’une grande candeur, nous accueillent prêt à nous emmener dans son imaginaire. Il questionne le genre et va explorer son corps dans la souffrance et les caresses. À la fois lubrique et innocent, l’enfant raconte ses fantasmes. Des mots crus qui parlent de la chair et puisent dans le ventre. Il nous met mal à l’aise, nous insère sans pudeur dans son intimité. Sa sincérité est irréfutable, c’est ce qui la rend touchante et nous trouble souvent. La pièce est une déclaration lancinante d’amour pour son père, tout est vécu par le biais de sa sexualité et de son désir exacerbé. La guerre fait écho au sexe. Jamais dans la démonstration, le-la danseur ose se montrer vulnérable. Le silence raconte ce qu’il-elle ne dit pas, il-elle se dévoile petit à petit.

    Sa présence est tendre, il dérange en douceur. Le chant devient aphone, l’enfant iranien parle en arabe à son père qui ne comprend pas le français. Le corps et la voix sont explorés dans leurs limites. La musique de Lana Del Rey fait une entrée surprenante venant soutenir l‘adolescent dans ses doutes et ses rêves. Son honnêteté est déroutante, il-elle se met véritablement à nu tout en défiant chacun du regard. Si nos sensibilités n’ont pas toujours cristallisé, c’est l’honnêteté de sa proposition qui a pris le dessus. Sorour Darabi embrasse son corps toujours à fleur de peau, rassurant l’enfant et confrontant l’adulte.

    Si l’ensemble du festival fut très enrichissant, les coups de cœurs ont été moins évidents que l’année passée. La compagnie Bonobo nous aura cependant saisis par la lucidité de son propos et la justesse de sa démarche (Tu amaras) qui nous interroge profondément sur notre rapport à l’autre. Nous retiendrons également la pièce hyperréaliste de Whichaya Artamat (This song father used to sing) au voyage intime aussi touchant qu’original, et les chorégraphies de Lia Rodrigues (Furia) et Marcelo Evelin (A invencao da maldade) qui traduisent l’urgence du corps politique et du corps en mouvement.

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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