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    Kunstenfestivaldesarts : du 10 au 13 mai

    Nous débutons le Kunstenfestivaldesarts vendredi 10 mai avec la pièce, ou plutôt l’expérience Building Conversation de Lotte van den Berg. Si  l’idée initiale de communiquer autrement qu’avec la parole orale était attrayante, nous avons vite déchanté. Assis en cercle dans une salle, le silence devient maître d’ordre et prend plus de place que l’idée de dialoguer. Les signes physiques sont proscrits mais en revanche rien n’est proposé ou initié. Le langage passe alors par les yeux, nous découvrons l’autre en le regardant de longues minutes sans ciller. Si cette étonnante rencontre avec l’inconnu peut être intéressante, elle reste très littérale et aucun processus n’est mis en place. Très vite, une fatigue se fait sentir, la participation peut devenir longue et bascule dans un temps plus douloureux. Bien que ce soit l’opposé du désir initial, l’individualité de chacun disparaît peu à peu dans ce nouveau langage silencieux sans signe. Si certains ont une aisance à regarder et à se laisser regarder, d’autre auraient besoin d’une porte différente d’entrée au risque d’être bloqués ou  de se censurer. Au final, malgré la grande douceur de ceux qui portent le projet, la performance dépend uniquement des participants qui ne se voient pas offrir beaucoup d’outils ou de matière pour y répondre.

    Le samedi 11 mai, nous poursuivons avec This Song Father Used to Sing de Wichaya Artamat joué dans La tour à plomb, un lieu insolite que nous découvrons rue des abattoirs. Nous nous installons dans une salle asymétrique de petite taille où deux personnages sont déjà présents sur scène. Un frère et une sœur se réunissent pour l’anniversaire de la mort de leur père trois jours de mai, à trois années différentes. La scénographie est faite de multiples fenêtres tout comme le texte se mettant en abyme régulièrement. L’extérieur et l’intérieur se font face, les frontières du réel et de la fiction s’amincissent. Nous sommes emportés dans un voyage intime peuplé de musiques, de symboles et d’odeurs. Le quotidien est dessiné avec justesse grâce à un jeu naturel et une gestuelle très précise. Le temps s’écoule véritablement, nous sentons son poids et son impact. Nous assistons à un théâtre cinématographique qui questionne son médium dans un récit miroir face au temps qui passe. Le récit est touchant et la dramaturgie réussit à donner une existence toute particulière à la mort. Elle rend hommage au disparu par le souvenir et surtout par le vivant. Le dépliant nous apprend que les trois dates convoquées à première vue anecdotiques sont trois dates politiques importantes pour la Thaïlande : manifestations, répressions sanglantes et coup d’état. Qu’on le sache ou qu’on l’ignore cet écho créé entre la sphère intime et historique est très intéressant. L’histoire individuelle s’inscrit malgré elle dans l’Histoire d’un pays, c’est encore un autre espace-temps qui s’écoule en parallèle. Le théâtre de Wichaya Artamat est une bouffée d’air frais. Il nous fait voyager avec une grande douceur tout en proposant un langage original.

    Nous clôturons ce premier week-end avec la proposition A invencao da maldade de Marcelo Evelin. Nous arrivons au Kanal dans une salle de béton brut et froid. Sont dispersés au sol des installations en bois, des branches disposées en feu de camp. Des présences ont déjà investi l’espace, leurs corps nus vibrent aux quatre coins de la pièce. La salle se remplit très vite et les corps habillés et accessoirisés que nous sommes, rencontrent ces corps nus. Un son englobant tonitruant retentit du sol aux parois pendant que des clochettes flottent au plafond. Leurs corps se confrontent aux nôtres, ils s’esquivent se frôlent et se cognent, se rencontrant dans l’imaginaire et dans la réalité. Ils se répondent et se rejettent comme des animaux : la meute danse entre nous, crue et dépourvue d’artifices. L’affection se mêle à la violence, les relations éclatent dans l’urgence du mouvement présent. Le rituel se déroule dans un processus à la fois bien précis et d’une grande liberté. Les corps sont brûlants et transpirants, leurs énergies viscérales se répandent dans chaque recoin. Les danseurs qui prêtent leurs corps à cette performance ne sont jamais dans la chorégraphie mais dans une communion physique et singulière. En total transe, ils s’abandonnent au feu de leurs corps. Le mouvement est nécessaire pour rester vivant.

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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