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    Kilti n°1: Petite âme à l’Atelier 210

    Écriture et mise en scène de Vincent Lécuyer, avec Gwen Berrou, Yves Claessens, Brigitte Dedry, Véronique Dumont, Christel Pedrinelli, Clément Thirion

    Du 29 avril au 09 mai 2015 à 20h30 à l’Atelier 210

    Ca y’est, l’heure est venue pour moi de me lancer dans la première étape de la découverte de mon panier culturel Kilti. Direction l’atelier 210 pour y voir Petite Âme de Vincent Lécuyer. La pièce a l’air intéressante : elle semble traiter du rapport entre l’individu et une société malade (comme le dit le flyer). Les rapports familiaux problématiques, c’est déjà un bon point de départ : j’achète !

    En entrant dans la salle, les comédiens sont déjà sur scène et déambulent, comme s’ils nous attendaient. A première vue, le décor est assez intéressant même si l’ensemble paraît brouillon : un tuyau descend du plafond, des carcasses d’armoires sont placées à certains endroits de la scène, un autre tuyau signifie un banc. Le tout est d’entrée de jeu assez bordélique mais prometteur.

    La lumière s’éteint. Nous sommes à un mariage, celui d’Erick et Eunisia. Elle, longue et fine, lui, petit et à première vue simple d’esprit. Les deux ne vont pas ensemble et en effet, Petite Âme n’aura de cesse de nous prouver que les couples qu’elle présente sont mal assortis. L’oncle et la tante d’Eunisia sont au mieux courtois l’un avec l’autre, la mère d’Erik est une vieille beauté aigrie et veuve, et la cousine, elle, recherche l’homme de sa vie.

    Petite Âme se pose la question de la résistance d’un couple à un univers hostile. Le problème c’est que le couple Eunisia/Erick n’existe pas. Elle le méprise gentiment, l’appelant « petite âme », il voudrait la changer dès le début et rien entre eux ne dégage de chaleur. Ni en eux, ni dans les autres personnages du reste. La tante passe son temps à ouvrir grand les bras en pleurant son fils perdu, l’oncle à la rabaisser et la mère à pester contre le monde. Toute la pièce durant, ce sont les mêmes jérémiades, les mêmes problèmes qui tournent en rond et surtout le même jeu de façade qui revient tant et si bien qu’à l’évocation de la mort du père d’Erick, la mère n’arrive pas à sortir de son masque pour créer une quelconque émotion et quand la tante se jette au sol pour hurler à la lune, on a plus envie de lui demander de se relever que de sympathiser avec elle. Le tout mis ensemble ressemble plus à un collage de performances qui ne tient pas bien ensemble.

    Ce jeu d’acteurs ouvertement détaché et exagéré sert un parti-pris d’étrangeté qu’on retrouve déjà dans le texte de Vincent Lécuyer. Son écriture est intéressante mais pour le moins étrange. Les choix de syntaxe sont souvent classiques tant et si bien qu’on se demande tout le long s’il s’agit d’une création contemporaine ou d’une pièce de la première moitié du siècle dernier. Il oscille entre des tournures de phrase d’orfèvre et l’impression globale que la pièce se déroule au XXIème siècle. On ne sait pas trop comment situer le texte d’autant plus que les choix au niveau de la bande son dénotent clairement d’une temporalité contemporaine. Résultat, comme pour les comédiens, on passe plus de temps à se demander dans quoi on se trouve plutôt que de faire attention à ce qui se passe et ce qui se dit.

    Finalement, les choix de mise en scène sont assez étranges et brouillons. Les costumes sont bizarres, les accessoires sont étalés un peu partout, comme pour donner l’impression que tout est un peu bancal, un peu foutraque. Le tout considéré dans sa globalité laisse penser que ces choix ont été délibérément pris pour créer une distanciation qui servirait le propos de la pièce. Malheureusement, le manque d’organicité et de cohésion entre les éléments fait qu’on ne croit à aucun moment à ce mariage. Tout simplement car il n’y a pas de trace d’amour entre les deux personnages principaux.

    Par contre, Vincent Lécuyer nous sert quelques trouvailles de mise en scène proprement géniales et hilarantes qui auraient gagné à être explorées plus en profondeur pour donner du relief à Petite Âme. Entre le potentiel qu’offraient les acteurs et la mise en scène, on se dit que Vincent Lécuyer tenait là de quoi faire beaucoup mieux. Malheureusement, la sauce ne prend pas

    C’est donc avec une pièce assez décevante que commence la découverte de mon panier Kilti. Mais il y a encore bien d’autres choses à faire dans ce petit sac en toile et la curiosité et l’excitation restent intacte. Encore un concert, un film et un livre, de quoi me (et vous?) faire trépigner d’impatience.

    Mathieu Pereira
    Mathieu Pereira
    Journaliste

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