Avec Yousra Dahry
Mise en scène de Mohamed Ouachen
Du 12 au 20 novembre 2024
Au Théâtre National
Après avoir été présenté au Rideau de Bruxelles puis au Festival d’Avignon en 2023, le spectacle Kheir Inch’Allah est à l’affiche du Théâtre National jusqu’au 20 novembre 2024. Écrit et joué par Yousra Dahry, ce seule-en-scène d’inspiration autobiographique séduit par son authenticité et son énergie. Dépêchez-vous de réserver vos places car les séances affichent déjà presque toutes complet !
Le syndrome de la fille unique
Née de parents marocains ayant émigré en Belgique, Yousra Dahry a grandi à Bruxelles, dans un quartier d’Anderlecht où la plupart des habitants sont d’origine marocaine. Fille unique dans un contexte où les familles nombreuses sont la norme, elle détonne, d’autant plus que son père a tendance à la traiter comme un garçon. Elle s’intègre assez rapidement aux « drari » du quartier, ces jeunes hommes qui traînent au coin des rues à ne rien faire et qu’elle évoque avec un humour à la fois caustique et bienveillant. Kheir Inch’Allah raconte la trajectoire atypique de Yousra Dahry, et notamment sa difficulté à se conformer aux standards de pudeur et de féminité qu’on attend d’une « bonne fille » et d’une « bonne épouse » dans la communauté musulmane.
Un hommage émouvant… qui est aussi un coup de gueule
Charismatique, à la fois incroyablement drôle et émouvante, la comédienne nous embarque dans son histoire dès les toutes premières minutes du spectacle, quand elle apparaît seule sur scène en survêtement et en baskets. La mise en scène de Mohamed Ouachen se concentre sur l’essentiel. Les décors, limités à quelques accessoires, sont très bien intégrés au spectacle et servent à renforcer le pouvoir d’évocation des souvenirs que la jeune femme partage avec le public. Les courtes séquences sonores pré-enregistrées pendant lesquelles on entend les messages laissés par le père de Yousra sur le répondeur de sa fille sont particulièrement touchantes. Elles contribuent au ton du spectacle qui alterne en permanence entre l’hommage (à la famille, aux amis) et la satire (de la culture de quartier).
Le succès de Kheir Inch’Allah est bien mérité car le spectacle aborde avec beaucoup d’authenticité le paradoxe auquel beaucoup de femmes se heurtent : le désir d’intégration et de reconnaissance au sein de la famille et de la communauté, en même temps que l’aspiration à s’émanciper des attentes des autres pour être soi-même et sortir des cadres traditionnels. Kheir Inch’Allah est donc simultanément une déclaration d’amour de Yousra Dahry à sa famille et à sa communauté, et un grand coup de gueule qui dénonce le poids du conformisme et la peur du qu’en-dira-t-on.
Pour ceux que le sujet intéresse mais que ne sont pas fans de théâtre, le récit de Yousra Dahry est désormais disponible sous forme de livre. Également intitulé Kheir Inch’Allah car directement adapté de la pièce, il se lit comme un récit autobiographique.