Il y a deux ans, au Made In Brussels Show, nous découvrions un futur phénomène de la scène belge, un ketje de Bruxelles dénommé Kevin le Forain. Depuis, cet echte brusseleir s’est fait un nom et présentera son spectacle pendant les Plaisirs d’Hiver.
Rencontre avec le Keve, un kiekefret’ qui manie la zwanze avec aisance.
_________
Vous avez pris comme nom de scène Kevin le Forain. Mais en êtes-vous réellement un ?
Mes parents et ma soeur le sont encore toujours. Je suis le seul qui ait changé réellement de destinée. Cela dit, je vais encore y faire un petit tour régulièrement. J’aide encore mon père à monter et démonter les foires.
Hélas, avec le spectacle, je sais de moins en moins l’aider. C’est positif pour moi et négatif pour lui, car il doit tirer son plan.
Il y a quelques années, vous êtes parti aux Etats-Unis pour devenir comédien. Pourquoi les Etats-Unis et pas Paris par exemple ?
Mon père a toujours eu des idées un peu folles – je dois d’ailleurs tenir ça de lui -, si bien qu’en l’an 2000, il m’a proposé de faire le marathon de New York. J’avais 19 ans et je ne me voyais pas du tout faire un marathon, mais je voulais visiter New York. Je suis donc parti avec lui.
Dès que j’ai mis les pieds dans cette ville, le coup de foudre a été instantané. J’ai donc décidé d’aller vivre et étudier là-bas. Et comme je voulais devenir acteur, rien de mieux que New York.
Evidemment, cela a posé quelques soucis car, normalement, j’aurais du reprendre l’attraction de mes parents. C’était un genre de carrousel pour enfants – tu sais celui avec la floche et tout ça – que l’on se passait de génération en génération. Dans la tête de mon père, il était programmé que je le reprenne.
Au regard de votre parcours, on ne peut s’empêcher de penser à un certain Jean-Claude Van Damme. Vous a-t-on déjà comparé à lui ?
Oui, forcément. Il n’y a qu’un Belge qui a réussi aux Etats-Unis, c’est lui. Là-bas, la première chose que les américains disent quand ils rencontrent un Belge, ce n’est pas « bière » ou « chocolat », c’est Jean-Claude Van Damme. Chez nous, on se fout tous de lui, mais là-bas, il est du même calibre que Schwarzenegger ou Steven Seagal.
Ce peï m’a fait rêver quand j’étais jeune. C’est un peu dommage de l’avoir cassé, car il représente tout de même la réussite, le rêve américain.
Pour ma part, je n’ai pas eu le temps de tenter le rêve américain. Aussi, j’avais une certaine mélancolie en moi. Le pays et surtout la foire me manquaient terriblement.
C’est pourquoi, un jour, je suis revenu et c’est ce que je raconte dans mon spectacle avec de la bonne zwanze.
Ne pensez-vous pas que cette zwanze bruxelloise est tombée en désuétude ?
J’ai toujours été surpris par cela, car les gens que je fréquentais parlaient tous comme ça. Que ce soit à Anderlecht, Molenbeek, Evere ou Schaerbeek. À l’époque, c’étaient des quartiers très populaires où les gens parlaient avec un accent bruxellois.
De plus, dans le monde de la foire, le langage bruxellois est resté.
C’est en tout cas un atout pour votre spectacle…
Oui, c’est un avantage dans l’humour. Mais c’était surtout un désavantage dans les castings.
Avant de partir à New York, j’ai voulu me préparer et j’ai donc essayé de faire une école de théâtre à Bruxelles. À cause de mon accent, ils m’ont presque tous refusé.
Par contre, aux Etats-Unis, j’avais un accent mais ils s’en foutaient. Avec le temps, j’ai même tenté de prendre l’accent américain et j’essayais de faire croire aux gens que j’étais la troisième génération de pêcheurs du Massachusetts.
Quel a été le déclic qui vous a fait passer du comédien à l’humoriste ?
Marka. Nous nous sommes connus en 2004 à New York. Je présentais la soirée du 21 juillet et l’organisateur était un ami à lui.
Nous avons gardé contact et près de dix ans plus tard, j’ai été voir son spectacle. Je le trouvais génial et il m’a alors proposé de travailler sur mon propre spectacle. Il m’a conseillé d’écrire des textes et de trouver un nom plus simple que Kevin Van Doorslaer. Comme mon surnom à Anderlecht était Kevin le Forain, il était tout trouvé.
Pendant les Plaisirs d’Hiver, vous présenterez votre spectacle chez Madame Moustache, en français et en bruxellois…
Je fais les deux. Je présente principalement le spectacle en français bruxellois, c’est-à-dire avec quelques mots en flamand par ci par là pour que tout le monde puisse comprendre.
Mais à côté de ça, je joue dans une troupe de théâtre bruxelloise, au Brussels Volkstheater. Elle propose des pièces en bruxellois depuis dix à douze ans. Cette année, ils font Bossemans et Coppenolle, mais ils ont déjà traduit La Mégère apprivoisée de William Shakespeare. Ils avaient mis deux ans pour traduire cette pièce.
Ce sont eux qui m’ont dit de faire mon spectacle en flamand bruxellois, car il y a un public pour ça. Et ils ont raison. Rien qu’eux, ils jouent pendant trois mois chaque année et c’est vollenbak, 300 à 500 personnes chaque soir.
Depuis peu, vous participez également à l’émission télé La Tribune sur la Rtbf…
Oui, la télévision est tombée un peu par hasard en jouant au Koek’s. Le théâtre proposait des billets couplés « spécial belge » et moi, j’étais parrainé par Jérôme de Warzée. Cela voulait dire que tout ceux qui voulaient voir Jérôme de Warzée étaient également obligés de venir me voir.
À cette époque, il cherchait un autre humoriste pour contrer Kiki l’innocent dans l’émission La Tribune. Il m’a demandé si je voulais essayer. Cela a bien fonctionné, même si j’entrais dans un groupe déjà rodé avec un autre humour.
Vous y incarnez un fan d’Anderlecht ! Mais en tant que vrai brusseleir : plutôt Union ou plutôt RWDM ?
Aucun des deux, ce n’est pas de ma génération. Moi, je suis né avec Anderlecht, tout comme mon père. J’admirais Marc Degryse, Philippe Albert et Par Zetterberg. Alors que mon père, c’étaient Rensenbrink et Mulder.
Cela dit, mon grand-père a toujours été un inconditionnel de l’Union et ma grand-mère du Daring.
Avez-vous d’autres projets, d’autres envies ?
D’abord, je vais me concentrer sur mes dates chez Madame Moustache. Ensuite, je vais écrire et réaliser un court métrage en 2016.
Où en est l’humour bruxellois aujourd’hui ?
J’adore la zwanze bruxelloise. Le «lange Jojo» et autres. Mais je trouve que le bruxellois est plus que cela. Le bruxellois tombe amoureux, a de la peine, est fâché, etc. Pourtant, on ne montre pas ces facettes. Il y a un autre humour que celui du binnenklacher.