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    Karen Brunon: un violon et une voix

    Certains appelleront ça le destin, d’autres la chance, beaucoup y verront le résultat d’années de travail acharné. Il n’empêche, le parcours musical de Karen Brunon a de quoi en faire rougir plus d’un.

    Celle qui présente aujourd’hui son premier album La fille idéale est tout sauf une débutante. Une carrière qui a explosé très tôt, en 1996 déjà, lors d’un concert de Michel Legrand au Carnegie Hall, où elle tient la place de 1er violon. On a vu départ plus laborieux.

    Mais comment une jeune fille originaire du Puy-en-Velay, férue et passionnée de musique en arrive à devenir une star parmi les musiciens ? Tout simplement parce que le violon est depuis toujours le prolongement de ses mains et de son âme. À 5 ans, elle convainc sa mère de lui offrir cet instrument qui ne la quittera plus. De l’école de musique du Puy, elle rejoint à 11 ans le Conservatoire de Lyon où elle obtient le 1er prix. Là-bas, elle fait une rencontre déterminante, celle de Benjamin Biolay, alors tubiste. À 15 ans elle entre au Conservatoire de Paris. Adolescente moins assidue mais toujours autant talentueuse, elle y reçoit à nouveau un 1er prix. Elle a 19 ans, elle quitte le Conservatoire.

    L’expérience Michel Legrand lui donne des ailes. Karen Brunon devient peu à peu la violoniste référence de la chanson (au sens noble et large du terme) : Charles Aznavour, Laurent Voulzy, Étienne Daho, Keren Ann, Brian Wilson, Vanessa Paradis, Mika, Woodkid, elle est leur premier violon à tous. Mieux, quand Gad Elmaleh investit l’Opéra de Paris armé d’un quatuor à cordes, c’est encore elle qui assure la première place. Quand Damon Albarn donne un concert intimiste à L’Alhambra, c’est Karen Brunon qu’il choisit. Une renommée qui vient du classique, qui a su conquérir les artistes français et qui peu à peu dépasse les frontières du pays. Le talent a une vertu lorsqu’il est pur et simple : il ne connaît pas de limite.

    Des centaines de concerts à travers le monde. Des dizaines de sessions d’enregistrements aux côtés des plus grands. Et un premier projet personnel, en 1999, avec Keren Ann et Benjamin Biolay. Dans cette ère pré-Jardin d’hiver, les trois artistes forment le groupe Shelby, dont l’album sortira chez EMI. L’occasion pour Karen Brunon de sceller une amitié profonde avec Keren Ann et Benjamin Biolay. L’occasion aussi de se confronter pour la première fois à l’écriture.

    S’en suivra une autre rencontre décisive : Calogero. Depuis quelques années, Calogero projette de créer un groupe, entouré des artistes qu’il aime. Le groupe s’appellera Circus, Karen Brunon en sera la violoniste, elle y posera aussi sa voix. Le succès sera immédiat : plus de cinquante concerts en France, un disque d’or, l’enchaînement des émissions de télé et de radio, le succès critique, le succès public. Calogero le mentor lui met définitivement le pied à l’étrier.

    Il n’en fallait pas moins à Karen Brunon pour se convaincre que son destin s’écrirait maintenant en deux volets. Musicienne pour toujours elle serait, l’appel de l’instrument est trop fort et toute résistance est inutile. Compositeur et interprète elle deviendrait. La violoniste professionnelle redevient une débutante lorsqu’elle pénètre pour la première fois au Studio ICP pour y enregistrer SON album. À l’heure de la remise en question artistique et de la prise de risque, c’est à un vieil ami qu’elle fait appel. Benjamin Biolay assurera la réalisation du disque. Qui mieux que lui, à la sensibilité exacerbée, habitué aux morceaux de bravoure que sont les arrangements de cordes de ses propres albums, et ami intime de Karen Brunon, pouvait accompagner l’artiste ? Si Karen Brunon écrit une grande partie des musiques, elle laisse volontiers la place à ceux dont le talent l’impressionne. Pour les textes, elle fait appel à Élodie Frégé, Marie Bastide, David Verlant, Doriand, Biolay aussi. Pour les musiques, elle s’adjoint l’aide de Keren Ann avec laquelle un duo sur l’album est né, de Gonzales qui s’est occupé de l’intro et l’outro, de Stanislas, de Biolay encore. Pourquoi se priver d’une telle énergie créatrice… Pour en faire ressortir le meilleur, c’est l’ingénieur du son Erwin Autrique (Vanessa Paradis, Charles Aznavour, Indochine…) qui mettra la touche finale au disque.

    Résultat, un premier album dont Karen Brunon assure les arrangements et l’interprétation des parties de violon. La rythmique est pop, lourde, cadencée. La voix est là, tantôt en avant, tantôt considérée comme un instrument à part entière. L’album est féminin, romantique, sensuel. La voix est chaleureuse, embrassante, abrasive.

    Ce premier album, Karen Brunon aura mis une vie et quelques mois en studio à le concevoir. Il est celui d’une virtuose qui a choisi de tout repenser, de tout remettre en question. C’est l’album d’une artiste, d’une vraie, qui a la chance exceptionnelle de ne pas faire de compromis, d’imposer et d’assumer ses choix quoi qu’ils lui en coûtent.

    Cet album, c’est un album rare. C’est l’album d’une vie bien remplie, où la musique n’est rien d’autre que l’expression du corps et du cœur.

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