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    Kamini nous emmène de nouveau à Marly-Gomont !

    Kamini avait touché à la notoriété en 2006 avec le clip de Marly-Gomont qui racontait la vie de sa famille noire dans un petit village du Nord de la France. Son premier album devient disque d’or et il disparaît doucement de l’actualité. Malgré tout, Kamini n’a jamais cessé de bosser en produisant des courtes vidéos, en préparant un album en crowfunding, en tournant dans les Comedy Club de France, Suisse et Belgique avec son One Man Show. Aujourd’hui, Kamini retourne aux sources et nous parle de Bienvenue à Marly-Gomont, le film racontant ses racines, demain dans les salles belges.


    bienvenue à marly gomont affiche


    Cela fait 10 ans que vous avez été découvert, grâce à la chanson Marly-Gomont, depuis vous touchez un peu à tout. Au final, quel est votre principale vocation ?

    Je pense que je suis artiste. C’est-à-dire que j’expérimente mon panel de créativité. Aujourd’hui je suis scénariste sur le projet du film Bienvenue à Marly-Gomont. En tant qu’artiste, j’ai une palette de création étendue : aujourd’hui c’est le scénario, mais il y aussi des sketchs, des chansons, des formats courts, etc. Je suis avant tout un petit producteur indépendant de province donc c’est aussi normal que je diversifie mon activité. Je n’ai pas vraiment de ligne directrice. Si je me réveille un matin et que je sais peindre, je vais appeler des professionnels et leur demander qu’ils viennent voir ce que j’ai produit et de me dire si c’est viable comme truc. Si oui, je vais continuer, exposer, etc. Je ne suis pas quelqu’un qui fait les choses sans réfléchir, je fais les choses dans l’ordre. J’essaie d’avoir l’avis de quelqu’un qui s’y connait dans tel ou tel domaine. Je peux dès demain faire autre chose, on a qu’une seule vie où l’on doit faire tout ce que l’on aime, ce qui nous passe par la tête, et surtout ne pas se figer à cause des étiquettes que l’on peut vous coller. C’est pour ça que je me qualifie comme un artiste plutôt que de dire que je suis humoriste, chanteur, animateur (car j’ai fait aussi de l’animation télé sur France 4), etc.

    Cette fois-ci, vous êtes scénariste sur Bienvenue à Marly-Gomont. Comment êtes-vous passé d’un clip qui  fait connaître ce village à un film hommage sur vos parents ? Quel a été le parcours, peut-être du combattant, pour arriver à imposer votre projet ?

    Tout d’abord, je fais ce clip, cela fonctionne, le premier album est disque d’or, on part en tournée. Quand je sors mon deuxième album en 2009, je suis mis de côté par le nouveau PDG, parce que je ne suis pas son projet. Un peu comme quand il y a un changement de mairie où le nouveau maire ferme les associations du précédent. Je me rends vite compte qu’il n’y a pas de promo, pas de plateaux télé, pas de passages en radios, etc. Du coup, j’ai développé un autre projet : une sorte de sitcom, dans le style du Prince de Bel Air, où l’on suivrait une famille de noirs mais à la campagne. Entre temps, mon père est décédé et j’ai voulu lui rendre hommage. J’ai donc transformé l’écriture de la sitcom en une écriture de long métrage. Je me rends compte que ça tient bien la route et je commence à prendre contact un peu partout. Je descends à Cannes avec mon scénario pour rencontrer Pauline Duhault d’Elia Films, et elle a accepté de monter le projet.

    Vous êtes crédité sur le film comme scénariste et voix off. Quelle était votre implication sur ce projet qui est au final le vôtre ?

    J’ai bien sûr suivi le projet jusqu’au bout. J’ai travaillé aussi en collaboration avec Julien Rambaldi. A la base je devais réaliser le film, mais le projet avait du mal à être financé sur le principe de « Kamini réalisateur » car je n’avais pas encore fait ne fut-ce que des courts-métrages, même si j’ai réalisé tous mes clips. Je n’avais pas encore la « carte » d’accès à la profession, et je comprends les producteurs qui n’ont pas voulu tout miser sur moi. Avec Pauline, on s’est concerté et on a décidé que je restais scénariste mais que l’on choisissait ensemble un réalisateur. On a donc choisi à deux Julien Rambaldi (Les Meilleurs Amis du monde) : il aimait le scénario et j’avais aimé son premier film. L’avantage aussi, c’est que ce n’est pas un réalisateur qui a déjà réalisé 30 films. Exemple, si c’est Spielberg aux commandes, je me vois mal aller lui demander de faire comme ci ou comme ça. Si tu prends un mec qui est trop loin, c’est très compliqué de travailler en collaboration avec lui. Donc il vaut mieux travailler avec quelqu’un qui est plus accessible, avec qui je peux travailler en étroite collaboration. Avec Julien, c’était vraiment ça : il me posait beaucoup de questions, m’appelait tous les jours, me demandait des photos d’époque, des détails même sur les fringues que l’on portait, etc. C’était vraiment un travail d’équipe, chacun a ramené son savoir-faire à son poste sans négliger les uns ou les autres, ce qui a permis une véritable cohésion artistique dans le projet.

    Vous avez dit que vous étiez plus dans l’humour et Julien Rambaldi, lui, voulait amener plus de sensibilité dans le film. Comment avez-vous géré ces deux manières de travailler ?

    C’est vrai qu’au départ, on parle de mon vécu, donc j’ai une écriture un peu plus brute. Comme j’ai vécu le racisme au quotidien, je peux écrire une scène plus trash où l’on me traite de noiraud, etc. sans que ça me fasse encore quelque chose, alors qu’il y a des mecs qui réagiraient pour même pas la moitié de ce qui est dit. Et justement, l’écriture et la mise en scène de Julien, mélangées à la mienne, amènent plus de subtilité, de finesse. Parfois, au cinéma, les silences en disent plus que les mots. Il y a un bon dosage dans le traitement du racisme, cela rend le film moins rempli de clichés. C’est en tout cas les premiers retours que j’ai eus sur le film.

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    A quel degré le film est autobiographique et à quel degré la réalité a été modifiée ?

    Ce qui est totalement autobiographique, c’est le parcours. Moi, dans la vraie vie, je suis né en France. J’ai aussi deux frères, deux sœurs, deux demi-frères, deux demi-sœurs. Mais autant d’enfants dans un film, c’est compliqué, donc on a construit l’histoire sur deux enfants. L’un deux se prénomme bien sûr Kamini, mais on a concentré le vécu de tout le monde sur ces deux enfants-là. Si moi je suis bien né en France, mes demi frères et sœurs qui sont plus vieux que moi, mon père a effectivement été les chercher avec ma mère au Congo. Quand ils ont débarqué au village, ils ont vraiment senti le choc des cultures. Donc, c’est vraiment autobiographique, on a juste condensé les histoires de tout le monde dans quelques personnages. Les rapports entre mon père et les patients sont aussi très autobiographiques. Le vécu de ma mère, ses factures de téléphone folles, son permis de conduire, le spectacle de fin d’année, etc. Tout cela est vrai. Mais quand tu racontes une histoire, il faut parfois durcir ou forcer les traits des faits ou des personnes, parfois il faut les alléger.

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    Vous avez bossé avec Marc Zinga et Aïssa Maïga, qui jouent tes parents. Comment s’est passé le travail avec eux et leur implication dans le film ?

    Ces deux comédiens, je les ai rencontrés que sur le plateau de tournage. Car, même si on me demandait mon avis, ce sont les responsables du casting qui les ont choisis. On en revient au fait que tout le monde sur le projet travaillait en symbiose sans se dénigrer les uns les autres.

    Quand je suis arrivé sur le tournage, j’ai vu Marc dans la maison, habillé comme mon père et je me suis dit que c’était bon, que la magie opérait.

    Le film a été tourné à Steenkerque près de Braine-Le-Comte en Belgique. Pourquoi ne pas l’avoir tourné à Marly-Gomont ? Pourquoi en Belgique ?

    C’est la réalité du cinéma. Il y a un financement belge, donc à un moment, c’est un retour à l’envoyeur, tu rends service aux gens qui t’aident. Après on est proche de la frontière française, donc au niveau de l’architecture et de l’image du village, on est très proche des petits villages français du Nord. Bien sûr, j’aurais aimé tourner quelques séquences à Marly-Gomont, mais voilà, pour des raisons de production, ça ne s’est pas fait.

    Je ne regrette pas car les gens étaient vraiment ouverts, ils jouaient le jeu. Il y a une fois où on était en galère et une dame nous a ouvert sa porte, nous a servi du thé, des madeleines et nous a laissé squatter toute une après-midi chez elle.

    Vous avez parlé d’un autre message que vous vouliez faire passer avec ce film, en plus de l’hommage fait à votre père. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Je veux faire passer un message à la jeunesse issue de l’immigration. Je trouve qu’il y a trop de victimisation : « c’est parce qu’on est noir, arabe, etc. ». Oui, c’est vrai, on est noir, arabe, juif, mais si c’était une vérité absolue que la discrimination et que le racisme étaient des choses insurmontables, des gens comme père, il n’y en aurait pas eu ! Je vais reprendre ses paroles, il disait toujours : « quand j’étais petit, je n’avais pas à manger, pas de toit, il y avait la guerre, des cadavres dans les rues, je marchais des kilomètres pour aller à l’école, je n’avais pas de baskets, etc. et j’ai réussi à devenir médecin. Vous, vous vivez en France, en Belgique ou en Suisse, vous avez des aides, la sécurité sociale, des médecins, des formations à l’ANPE et vous n’arrivez pas à travailler ? Va bosser à l’école et tu vas t’en sortir ! ». Quand tu as un père comme ça, il y a des discours que tu ne peux pas cautionner.

    C’est très bien de réussir dans le football, dans le théâtre, le showbiz, la télé-réalité, etc. mais la voie scolaire, cela reste la voie du savoir, la voie la plus sûre. J’ai un cousin qui se plaignait de ne rien avoir et qui n’avait pas envie de faire de grosses études. Effectivement, tout le monde ne peut pas être médecin, chirurgien, avocat, etc. mais je lui ai dit que s’il avait le permis, il devait continuer dans cette voie et passer le permis poids lourds ou le permis bus. On verrait alors s’il ne trouverait pas de travail ! Il a passé son permis pour conduire des bus et maintenant il travaille !

    L’intelligence, c’est de faire preuve de lucidité, observer le monde dans lequel on évolue et s’adapter. Est-ce que brûler la voiture de quelqu’un d’autre rend riche ? Plutôt que de perdre ton temps à brûler une voiture, va lire un livre, au moins ça t’apportera quelque chose ! C’est ça le message que j’ai envie de véhiculer à la jeunesse aujourd’hui, que l’école existe et qu’il faut y aller, que le savoir c’est important. Il ne faut pas oublier qu’il y a un siècle ou deux on avait à peine le droit de lire. Aujourd’hui, on sait lire et on ne veut plus lire. Il faut arrêter de se victimiser alors qu’on est dans des pays où il n’y a pas la guerre, des infrastructures pour s’en sortir, etc.

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    Et comment ton père a vécu ton changement de direction vers les métiers du spectacle après tes études ?

    Mon père n’était pas contre le fait que moi ou mes frères et sœurs voulions faire du sport ou du théâtre. Il voulait juste que l’on privilégie d’abord les études. Pour que l’on puisse toujours avoir un diplôme au cas où nos projets ne fonctionneraient pas.

    Pour ma part, j’étais bon élève car je voulais à tout prix avoir mon bac et quitter ma campagne pour Lille. C’était comme New York pour moi : une énorme ville, les noirs ne sont pas regardés bizarrement dans la rue, je peux chanter du rap et faire des concerts, etc.

    Et je commence à perdre la discipline que mon père m’avait inculquée, j’allais acheter des instruments de musique plutôt que des cours et évidemment je foire totalement deux années de médecine. Mon père me laisse jouer de la musique mais ne me donne alors plus d’argent. Je bosse  au PizzaHut et je prends la claque de ma vie. Je me suis dit que mon père avait raison et j’ai repris l’école d’infirmiers.

    Il avait raison car si en 2006 j’étais très connu, en 2009 je disparais presque, c’est un métier de hauts et de bas. Et si un jour je n’ai plus rien, ce n’est pas grave, je remettrais la blouse d’infirmier et je retournerais travailler !

    C’est finalement plus dur de percer dans le showbiz que d’obtenir un diplôme. Et ton diplôme, ta qualification, tu l’as à vie, le showbiz tu y es jusqu’à ce que l’on ne veut plus de toi. A l’heure actuelle, tout le monde veut être connu tout de suite et très vite mais ils oublient que la grosse majorité des gens qui percent dans les milieux du spectacle ou du sport sont des personnes qui ont bossé très dur, qui ont fait des conservatoires, qui se sont battus pour y arriver, les footballeurs sacrifient une partie de leur jeunesse à l’entraînement et aux matchs, etc. Demain, mon film sort mais c’est 5 ans de travail. Dans le monde d’aujourd’hui, justement, il faut être patient, attendre son heure, sa chance tout en continuant de travailler.


    D’où le fait que vous êtes passé en crowdfunding pour votre prochain album ?

    Oui, j’ai utilisé le crowdfunding car on n’avait pas de maison de disque. C’est aussi un moyen de voir si j’ai encore une base de fans importante, s’il y avait une certaine attente. Au final on devait arriver à 20 000, on a eu 21 000€ !

    Au début je voulais faire ça modestement. Je fais des one man show dans des petites salles de 80 à 150 personnes, et à chaque fois que je sortais de scène, on me demandait si je n‘avais pas un truc à vendre : un CD, un T-Shirt, etc. Donc je me suis dit autant se faire plaisir,  presser quelques albums et vendre à l’ancienne son CD après le spectacle. Finalement, mon ancien manager me propose le crowdfunding pour avoir un vrai budget de production et, à ma grande surprise, cela a fonctionné, les gens ont mis de l’argent dans le projet. Certains ont même mis les 1500€ qui permettent d’avoir un concert privé chez eux, pour l’anniversaire de leurs femmes, parce que leurs enfants m’aiment bien, etc.

    Cela me permet de refaire dans la production indépendante, en toute liberté. Ce sera toujours du Kamini (rap, humour, etc.) pour le style même si ce sera en quelque sorte différent car j’ai rodé et évolué dans mon écriture après ces 10 années de formats courts, de stand up, etc. Je suis moins dans le fun à tout prix, moins grimaçant peut-être, plus dans un humour plus construit. Par contre je vais être plus psychédélique, les clips vont être bien plus barrés, plus délirants ? Un peu comme dans le clip de PsychoStar show.


    A part ça, d’autres projets dont vous aimeriez nous parler ?

    J’ai un court métrage prévu en Afrique, financé par ceux qui ont produit Bienvenue à Marly-Gomont. Mon one man show est toujours en tournée en France, en Suisse et en Belgique.

    N’hésitez pas à suivre les dates sur mon Facebook, KaminiOfficiel et n’hésitez pas aussi à m’ajouter sur Instagram, KaminiLeVrai, je suis triste car pour le moment je suis le seul à liker mes photos !

    (merci à Aurélie Waeterinckx pour les corrections)

    Loïc Smars
    Loïc Smarshttp://www.lesuricate.org
    Fondateur, rédacteur en chef et responsable scènes du Suricate Magazine

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