auteur : Thierry Berlanda
édition : du Rocher
sortie : avril 2018
genre : thriller
Cinq ans après avoir mené à bien une mission contre Histal, une multinationale qui génère des fortunes grâce à la détention de brevets dans des secteurs tels que la génomique et dont les activités sont toutefois plus que douteuses, Justine Baracella – héroïne sans peur et sans reproche – revient pour démanteler un projet scabreux qui menace de détruire le monde. A Jurong Island, s’est créée une véritable forteresse inviolable dans laquelle le groupe LamarCorp, composé des multinationales les plus puissantes du monde – ce qui signe bien sûr le retour d’Histal – travaillent à la mise en place d’un véritable sanctuaire de DATA qui, à terme, serait l’arme la plus redoutable jamais pensée par l’homme. Et la finalité de l’entreprise dans laquelle s’est lancée LamarCorp n’est autre que la mise en place d’une sorte de système d’auto-régulation informatique de la terre qui palierait entre autres au problème de surpopulation par la destruction des masses et la survie des élites. La première étape de ce plan machiavélique est de mettre à genoux les états les plus puissants et, la DGSE déjà neutralisée, le peuple français est le premier menacé. Mais il reste une dernière chance : une seule personne peut empêcher le pire de se produire et c’est Justine.
Dans le deuxième volet de sa trilogie – après Naija, sorti en 2017 – Berlanda se déploie dans un genre de roman d’anticipation qui pose sur la table des sujets tels que la surpopulation ou encore l’asservissement de l’homme par la technologie. Et si ce sont là des questions plus qu’intéressantes à creuser, dans les faits tout ne se passe pas comme prévu. En effet Berlanda semble vouloir susciter le débat autour de diverses questions telles que : « La vie d’un innocent devrait-elle être sacrifiée pour la survie d’un plus grand nombre ? » ou encore « Si la perfection pouvait être atteinte par le progrès, serait-ce sans conséquence ? », or il oublie que pour causer le questionnement du lecteur, il faut savoir élever le débat, ce qui n’est pas possible dans la mise en scène d’une situation aussi manichéenne que celle de la gentille héroïne parfaite qui lutte contre les grands méchants.
En fait, Jurong Island semble vouloir donner l’illusion de la réflexion mais se place pourtant comme un pur roman de divertissement, un thriller dans lequel se plonge le lecteur non pas pour la profondeur de l’écrit mais pour la dose de suspens qu’il lui prodigue. Et c’est d’autant plus marqué que certains traits du livre qui auraient pu être creusés ne semblent pas l’avoir été : notamment la fameuse super héroïne Justine qui n’a littéralement aucun défaut. Un autre bémol c’est le caractère un peu plat du pitch : «Des méchants convaincus que le seul moyen de sauver le monde est de se débarrasser des pauvres gens inutiles et parasites », c’est du déjà-vu. Alors pour se démarquer un peu et pour rendre son œuvre originale, Berlanda mise tout sur l’écriture, en imageant à souhait son propos et en employant un ton caustique – ce qui peut être, selon le goût du lecteur très apprécié ou justement un peu ennuyeux. L’autre carte que possède Berlanda est son engouement pour les nouvelles technologies, on voit que l’auteur sait de quoi il parle et ne laisse rien au hasard : le monde qu’il décrit paraît presque possible tant il est bien expliqué.
Pour toutes ces raisons, si vous êtes un féru de fictions axées sur le développement informatique ou que vous cherchez un polar à lire les doigts de pied en éventail à la mer du Nord, n’hésitez pas Jurong Island est pour vous (d’ailleurs il peut très bien se lire indépendamment de son prédécesseur Naija). Mais ne vous attendez pas à être abasourdi par l’originalité de l’œuvre ou par le regard critique qu’il pose sur le monde.