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    Julie Keeps Quiet, and keeps us waiting 

    Le problème d’un titre, c’est qu’il dit des choses sur le film. Parfois, il ne dit que le nom du personnage principal (Thelma et Louise ; Dalva ; Victoria), peu original, peu vendeur. Parfois, il décrit le thème de manière plus ou moins frontale (Première année ; Illusions perdues), plus ambitieux, mais plus risqué aussi. Risqué parce qu’il y a le danger de trop en dire, de pouvoir résumer le film à son titre, d’être tellement explicite que le mystère n’existe plus (L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ; 500 jours ensemble). Et qui a envie d’aller regarder un film qu’il a déjà vu en lisant son titre ? Pourtant, la plupart des films qui paraissent en dire trop dans leur titre trouvent un intérêt non pas dans le quoi (puisqu’on sait déjà tout), mais dans le pourquoi. Qu’est-ce qui a amené Robert Ford à tuer Jesse James ? Qu’est-ce qui a amené ces personnages à ne plus être ensemble après avoir partagé 500 jours ? En narration, on oppose deux genres de récits : le mystère et l’ironie dramatique. Dans le premier, le spectateur en sait autant voire moins que les personnages, il est tendu parce qu’il ne sait pas ce qui va arriver. Dans le second, il en sait plus, il est tendu parce qu’il sait ce qui va arriver et que les personnages non. C’est la même chose avec ces films qui semblent en dire trop : la tension vient du fait qu’on sait exactement où on va, quelque chose d’inéluctable qui donne une autre couleur aux évènements.

    Ainsi, on sait d’office où placer un film qui s’appelle Julie Keeps Quiet. Il n’y a pas de mystère, Julie se tait. L’objectif n’est donc pas de savoir si cette jeune femme sous l’emprise d’un coach de tennis toxique va parler et sceller le sort de son bourreau, mais comprendre ce qui va déclencher ou non le fait qu’elle parle à la fin. Mais le décor est planté, de tout le film, Julie ne parlera pas. Et c’est surement là que réside tout le problème. Bien que l’on sache que Jesse James soit assassiné, bien que l’on sache que l’amour des deux personnages de 500 jours ensemble ne soit pas éternel, il y a un intérêt à suivre leurs histoires : qu’est-ce qui amène ces situations ? Ici, pas vraiment, puisque la situation « Julie ne parle pas » est posée et expliquée d’emblée. Son coach est mis à pied après le suicide d’une autre jeune femme et une enquête interne doit établir quelle est sa part de responsabilité dans ce drame. En parallèle, on comprend très rapidement que Julie a subi les mêmes pressions et les mêmes comportements de la part du coach en question. On sait donc pourquoi elle garde le silence. Tout le film se déroule alors, Julie continue le tennis, Julie continue de voir des amis, Julie continue d’être interrogée par plein de monde, mais Julie ne parle pas.

    Vient donc le véritable enjeu parce qu’un film entier sur un quotidien inchangé et pas vraiment spectaculaire d’une jeune femme n’est pas tenable : qu’est-ce qui va faire parler Julie ? Et c’est là où le bât blesse. Si le phénomène d’emprise d’un apprenant sur son élève est extrêmement bien décrit, le switch, lui, laisse à désirer. Mis à part l’éloignement, mis à part le temps, rien ne semble véritablement être le moteur du changement de Julie. On pourra opposer que ce sont deux très bonnes raisons de parler. Oui. Oui, mais après avoir attendu de très longues dizaines de minutes que Julie parle, on en espère un peu plus que « c’est parce que le moment est venu ». La dynamique est sans doute réaliste, mais, pour le coup, absolument pas divertissante. Or, un film doit avoir un équilibre entre son aspect divertissant et son aspect didactique. Un pur divertissement s’oubliera vite tant on n’en retirera rien, un pur film didactique sera une véritable purge. Tout est une question d’équilibre. Or, Julie Keeps Quiet ne trouve pas cet équilibre. En montrant un phénomène d’emprise, en montrant la difficulté de briser ce lien de manière réaliste et organique, il donne à voir à son spectateur la vie comme elle est, comme elle va, sans surprises, dans une linéarité attendue extrêmement progressive. Julie Keeps Quiet, c’est un film utile malgré sa faillite à divertir qui enjoindra toute personne dans ce genre de situation à parler tant on attend que ça du film, tant on a hâte que ça arrive et tant on ne comprend pas ce qui l’a fait basculer du silence à la parole.

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