Crédit photo ©David Olkarny
Dans une petite pièce, dans les couloirs de Bel-RTL où il officie chaque matin, Jules nous reçoit le sourire aux lèvres et après une franche poignée de main, nous invite à commencer l’entretien. De sa voix puissante, il nous parle des Français, des Belges, de lui-même aussi… le tout, sans langue de bois. Une interview qui se révèlera émaillée de fous rires autant que de sincérité à discuter de son nouveau spectacle Français… Non peut-être ! mis en scène par Patrick Ridremont et qui se déroulera le 9 octobre au théâtre communal de Binche, du 21 novembre au 20 décembre à la Comédie Centrale de Charleroi et du 13 au 24 janvier au Koek’s Théâtre de Bruxelles. Un spectacle à ne surtout pas manquer !
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On vous connaît surtout comme humoriste chroniqueur dans Bel-RTL Matin avec le Meilleur de l’Actu en Délire (#MAED). Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre propre one-man show ?
En fait, j’ai commencé par faire des one man shows et puis je me suis dit que j’allais peut-être aussi essayer de faire des couillonades à la radio parce que c’est un média que j’adore. C’est le média dont je suis le plus proche depuis que je suis né : j’ai toujours écouté la radio. La télé j’aime bien, mais c’est assez rare que je trouve satisfaction dans les programmes qui existent. Je n’exclus pas de proposer un jour des choses qui pourraient me plaire à la télé mais pour l’instant c’est la radio qui me plaît le plus : c’est un bon exercice d’écriture.
Donc le one man show, c’est venu avant. C’était l’idée de faire le con devant les gens et de tenter de gagner de l’argent avec ça, puisque de toute façon je passais mes journées à faire le con devant les gens…
Vous habitez en Belgique depuis près de dix ans, qu’est-ce qui vous a donné l’envie de vous établir chez nous ?
En fait, j’ai suivi ma femme qui est venue étudier en Belgique. Je venais de commencer ma carrière de one manchiste à Paris en 2004, j’ai rencontré ma femme en 2006 et en 2008 on est venu ici. En 2008, on ne peut pas dire que j’avais une carrière incroyable en France mais je n’avais pas abandonné tout espoir de la faire en Belgique. Et puis, on parle français en Belgique et si je devais jouer un spectacle à Toulouse par exemple, partir de Paris ou de Bruxelles finalement, c’était pareil.
De quoi parle ce nouveau spectacle « Français… Non peut-être ! » ?
Maintenant, quand je vais en France on m’appelle « le Belge ». Je suis obligé de justifier que je suis français et je dois le prouver. Donc l’idée, c’est de prouver que je suis français même si on voit bien que je me suis « belgifié » avec les 8 années qui sont passées. Evidemment dans ce spectacle, je dis que je suis français et je dis que la France est mieux avec une mauvaise foi bien française ! C’est une comparaison entre les choses qui sont soi-disant moins bien en Belgique, qui sont soi-disant mieux en France mais qui en réalité sont bien pires en France (rires). Je me moque un peu de la France, de moi et un peu des Belges aussi.
En somme, ce spectacle, c’est votre parcours d’expatrié qui apprend à connaître son pays d’adoption ?
Il y a un peu de ça. Ce n’est pas tellement que j’apprends sur mon pays d’adoption, c’est que je fais un bilan sur ce que le pays a fait de moi. Et je me dis voilà comment ça m’a changé, je m’aperçois aussi que ça a changé ma femme qui est aussi française. Il y a une différence de langage, mais il y a aussi cette attitude, cette façon d’appréhender la ville, le pays qui est petit et donc tout est accessible très vite, cette dualité entre le flamand et le wallon.
Pensez-vous qu’après 8 ans en immersion en Belgique, votre regard extérieur vous permet de mieux comprendre les Belges ?
Je ne sais pas si un jour je pourrai vraiment les comprendre et si c’est un but en soi. Il y a des choses que les belges aiment et qu’on apprend à aimer aussi. Ces choses qui font que les Belges sont les Belges. Par exemple, j’ai un ami brusseleir qui m’apprend à aller bouffer des mitraillettes dans les snacks, il a un accent ucclois à couper au couteau un truc de dingue, il est à mourir de rire. Lui, c’est un des Belges que je connais qui est le plus fier d’être belge. Il revendique la culture belge et possède une quantité de CD de groupes belges incroyables.
Du coup, il n’y a pas une soirée de « bourritude » qui ne se termine pas avec lui en chantant Les filles du bord de mer d’Arno ou des choses comme ça. J’ai remarqué que ce sont des choses sur lesquelles tous les belges se rejoignent. Je ne dis pas que je comprends, mais comme j’aime les même choses parfois, je peux peut-être me dire : c’est un peu ça être belge.
Jusqu’à il y a peu, les Belges ont toujours été qualifiés de ringards. A présent, leur regard envers nous commence à changer. Pourquoi selon vous ?
Ben déjà, c’était hyper réducteur. Le Belge pour le Français, depuis des années, c’est celui de Coluche. Non mais, c’est pitoyable quand même ! (rires) Comme s’il n’y avait qu’un seul accent en Belgique. Même les flamands que j’entends parler français n’ont pas cet accent-là. Ce n’est pas le même accent à Liège, à Charleroi ou à Namur. Donc ça, c’était hyper réducteur. Ensuite, on est toujours le con d’un autre et à ce moment-là ils tapaient sur les Belges. Il ne faut pas oublier que Coluche, c’était l’archétype du Français.
Maintenant ça a changé, la Belgique est à la mode. C’est Bruxelles qui a tout changé avec l’Europe qui est devenue très concrète aux portes de la France. Et puis, il y a la culture belge, le savoir-vivre belge, la bière, l’ouverture et plus de frontière. C’est le passage vers Amsterdam, comme on passe à Lyon pour aller dans le Sud de la France. On passe par la Belgique pour aller un peu partout, c’est la porte du Nord. Les Français font leur petit trip en Belgique.
De plus, les humoristes sont à la mode comme Stéphane De Groodt qui était sur Canal, Alex Vizorek sur France Inter et aussi Charline Vanhoenacker qui s’est fait connaître par ses billets humoristiques alors que c’était une journaliste de terrain engagée.
Les Français ont finalement toujours été proches des Belges. D’ailleurs, les Français ont toujours pensé que Brel, c’était de la chanson française… C’est ça qui est vicelard. La chanson française ? Jacques Brel ! C’est con ! (rires) Au niveau musical il y a énormément de choses qui se passent avec notamment tous ces groupes électro flamands, Stromae, Gotye, Selah Sue… Et puis, la Belgique est aussi connue pour ses festivals : pour les jeunes Français c’est plus connu que les gaufres et la bière.
Qu’aimez-vous le plus chez nous ?
Le fait qu’il n’y ait pas vraiment de prise de tête. Ce n’est pas comme une fatalité, mais il y a ce côté « Et alors ? On se lèvera encore demain matin ! », ça j’aime bien. Il n’y a pas de choses précises que j’aime à part cette attitude positive qui fait du bien : « On est un petit pays, on s’en fout. Il peut bien passer ça, ça va pas changer la face du monde ». Il n’y a pas la râlerie parisienne, il y a un bien-être, une sorte de douceur communicative. Un peu comme si les Belges étaient tous amis, ce qui est complètement utopique, mais il y a un peu de ça.
Peut-être que ça va changer avec l’Europe mais je ne l’espère pas. Même au niveau de la politique interne…
On a l’habitude…
C’est exactement de ça que je parlais ! Voilà, il y a cette sorte de fatalité positive qui fait du bien.
On vous nomme « le plus Belge des humoristes français ». Ça vous fait quoi ?
Coooool ! Je suis hyper content mais bon, c’est aussi parce que je suis le seul humoriste français en Belgique. (rires) C’est peut-être par défaut, comme quand on te dit que t’as gagné au 100 mètres mais que t’es le seul à concourir. C’est un peu ça. Mais oui, je suis content.
Avez-vous d’autres projets pour la suite ?
J’ai peut-être une autre idée pour un one man show mais je me la garde sous le coude encore un petit peu pour l’instant, j’aimerais bien faire de la presse écrite, j’aimerais bien faire de la télé, j’aimerais bien jouer dans plus de pièces mais j’aimerais bien élever ma fille aussi. (rires) A un moment donné, il faudra que je fasse un choix.
Mais des projets… oui, la presse écrite et la télé mais surtout continuer la radio et monter sur scène. Toujours, toujours. Peut-être le cinéma aussi mais je ne me sens pas encore d’attaque, la télé j’ai encore mes armes à faire, la radio j’aimerais aller un peu plus loin mais il faut beaucoup de moyen pour ce que j’ai envie de faire, je ne sais pas si ça va être possible un jour, j’en sais rien. Faut que je pose des questions sans mettre de barrières et les barrières on me les mettra.
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Propos recueillis par Daphné Troniseck