Scénario et dessin : Fred Leclerc
Éditeur : La boîte à bulles
Sortie : 21 août 2024
Genre : Roman graphique, Humour, Autofiction
Dans le roman graphique Journal d’un prof à la gomme, l’ex-publicitaire et dessinateur Fred Leclerc raconte sa reconversion ratée en professeur d’arts plastiques. Une bande dessinée à la fois drôle et interpellante, mêlant l’autodérision à une critique du système éducatif français qui condamne les jeunes profs – et leurs élèves – à l’échec.
Une vocation tardive
Publicitaire depuis plus de vingt ans, Fred se fait licencier quelques mois avant qu’éclate la crise du COVID-19. Dans un secteur où le jeunisme règne, pas facile de retrouver un poste. C’est alors qu’intervient un déclic : l’assassinat de Samuel Paty. Ce professeur d’histoire-géographie qui enseignait dans un collège d’Île-de-France a été sauvagement assassiné en octobre 2020 après avoir montré à sa classe les caricatures du prophète Mahomet publiées par Charlie Hebdo.
La vague d’indignation publique face à cet assassinat s’accompagne d’un hommage marqué au travail des enseignants à travers le pays. Elle suscite ainsi des vocations – et convainc Fred de passer le concours de la ville de Paris pour enseigner les arts plastiques dans les écoles primaires. Admis de justesse, il obtient un poste en tant qu’enseignant-stagiaire à partir de septembre 2022. Sa nouvelle vie de prof commence. Mais celle-ci se révèle très différente de la vision idéalisée qu’il s’en était fait…
Un système de formation totalement inadapté
Journal d’un prof à la gomme est, comme son titre l’indique, rédigé à la manière d’un journal de bord. Les six chapitres, organisés de manière chronologique, relatent le processus de recrutement, la prise de poste de Fred dans une école du 13e arrondissement de Paris, et enfin les premiers mois de classe, entrecoupés par des journées de formation. Chaque chapitre est illustré en bichromie dans une couleur différente qui reflète peu ou prou l’émotion dominante de la séquence : doute, enthousiasme, stress, espoir… Le parcours de Fred est en effet une véritable montagne russe des sentiments.
« Dans une école, le paradis n’est jamais loin de l’enfer »
Fred réalise que, dès l’école primaire, la violence est omniprésente dans les classes comme dans la cour de récré. Alors que la formation qu’il a reçue est pour le moins lacunaire et qu’il croule sous les contraintes administratives, Fred se sent démuni face à des enfants qui le scrutent pour exploiter la moindre faille et remettre en cause son autorité. Dans le chapitre 3, une séquence très réussie établit un parallèle entre les directives fournies par l’administration françaises aux instituteurs et la réalité dans les classes – un décalage à la fois comique et tragique. Le rôle du milieu social des élèves dans la dynamique de classe est également souligné à travers le contraste entre son expérience dans une école d’un quartier plutôt populaire et son stage d’observation dans une école plus favorisée. Mais l’auteur-dessinateur ne se contente pas de critiquer le système et reconnaît bien volontiers ses propres faiblesses – comme lorsqu’il observe l’autorité naturelle d’autres profs dont certains parviennent à canaliser les élèves qui, dans la classe de Fred, sèment le chaos.
Si la lecture de Journal d’un prof à la gomme ne rassurera pas ceux qui s’inquiètent de la faillite de l’école (notamment dans son rôle d’ascenseur social), le témoignage de Fred Leclerc se lit avec plaisir grâce à une bonne dose d’humour. Un ouvrage à mettre dans les mains de tous les responsables chargés de la formation des enseignants, en France et ailleurs.