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    José James : Yesterday I Had the Blues : The Music of Billie Holiday

    Les aficionados de jazz, de blues, de jazz vocal et surtout, les amoureux de Billie Holiday peuvent se préparer et d’ores et déjà se réjouir.

    Un grand homme issu du monde du jazz contemporain, José James, s’est penché sur le répertoire de Lady Day et livre un album intégralement dédié à ses chansons : Yesterday I Had the Blues: The Music of Billie Holiday (Blue Note).

    Que dire de José James?… Une présence sur scène incroyable, un talent qui ne cesse de surprendre… Bel homme, oserai-je même ajouter! José James est bel et bien l’homme que Pitchfork Media appelle le talent « excentrique » de la scène du jazz contemporain.

    Mais revenons un peu sur son riche parcours.

    Originaire de Panama, José James est multi-instrumentiste (batterie, trombone, saxophone alto, flûte traversière…), chanteur-compositeur et producteur. Sa réputation n’est plus à faire. Il a d’ores et déjà participé à de très nombreux projets et collaborations. Relevons par exemple son duo avec le pianiste belge Jef Neve sur l’album For All We Know (Impulse! Label) sorti en 2010. Le disque reçoit par ailleurs l’Edison Award  ainsi que le Grand Prix de l’année 2010 pour le meilleur album de jazz vocal délivré par l’Académie du Jazz. Rien que ça !

    Ses influences sont multiples. Hormis les genres éclectiques qui ont bercé sa jeunesse, il s’intéresse dans un premier temps plus intensément au rock et à la soul, avec les Beatles, Jimmy Hendrix et James Brown. Il découvre le jazz à travers John Coltrane, Charlie Parker, Thelonius Monk, Billie Holiday, Dexter Gordon, Miles Davis et Cannonball Adderley…bref les plus grands.

    C’est lorsqu’il se rend aux Etats-Unis qu’il élargit ses connaissances musicales. En parallèle de ses études à l’Université, il tourne avec le Jazz Ensemble de Dr. Frank Bencriscutto, qui présente à l’époque le grand trompettiste Clark Terry. Il rencontre des musiciens de grande réputation et joue avec plusieurs groupes. Il se forge peu à peu un nom dans le milieu. Il rentre finalement à la New School for Jazz and Contemporary Music.

    En 2008, il sort son premier album The Dreamer sur le label Brownswood. Dans ce premier album, on retrouve des sonorités de jazz cool. La manière de chanter de José ainsi que l’alliance entre la voix et la trompette rappelle quelques peu Chet Baker.

    L’album Blackmagic sort deux ans plus tard, en 2010. Le Hip Hop, le nu-soul et le R&B sont à l’honneur dans cet opus. José James propose notamment dans cet album une collaboration avec Flying Lotus, producteur de musique, DJ et rappeur, sur le titre Made For Love. Ces deux premiers albums sont produits par l’excellent DJ Gilles Peterson, personnalité mondialement reconnue.

    En 2014, José sort un autre album sur le label Blue Note : No Beginning No End. Cet album grand cru est sans conteste un manifeste du nu-soul. Il est la synthèse réussie des différentes expérimentations entreprises dans les deux premiers albums.

    José James sait s’entourer. A ses côtés dans la réalisation de l’album, on retrouve au clavier Robert Glasper – musicien à cheval entre jazz, soul et hip-hop -, à la basse, Pino Palladino – qui a joué entre autres avec Eric Clapton, Jill Scott, Jeff Beck, John Mayer Trio, Nine Inch Nails -, Takuya Kuroda à la trompette – qui sort en 2014 un excellent album jazz/nu-soul en solo Rising Sun -, et en featuring, la chanteuse Hindi Zahra, qu’on ne présente plus…

    L’album qui suit, While You Were Sleeping (2014) est également très soul et groovy, cependant, plus mélodique, presque pop, avec des solos de guitare, un rien plus tranquille et planant.

    José James est donc un artiste particulièrement prolifique. Ce qui est intéressant et très agréable avec lui, c’est que chaque nouvel album promet de nouvelles surprises. Vous pouvez être certain qu’aucun de ses albums ne se ressemblent.

    Le dernier opus délivré par le chanteur propose un retour aux racines du jazz : Yesterday, I Had the Blues : The Music of Billie Holiday.

    L’album sort chez Blue Note au printemps 2015, exactement 100 ans après la naissance de la chanteuse. Un bel hommage pour Billie Holiday que José James considère comme sa «musical mother». Lorsque le jeune homme découvre la musique de Billie, c’est une claque musicale qui fait naître en lui le désir de chanter du jazz. Le fidèle musicien a dès lors tout naturellement souhaité interpréter les chansons de son mentor et le résultat est une pure merveille. A ses côtés, on retrouve le pianiste Jason Moran, le bassiste John Patitucci et le batteur Eric Harland.

    L’album reprend les plus grands standards de Billie Holiday mais en y distillant la touche toute personnelle de José James. Sa voix soul et très groove correspond tout à fait à l’esprit blues des chansons de Billie. Le véritable point en commun entre les deux voix, c’est la chaleur. La tessiture des deux chanteurs est différente, mais c’est bel et bien cette chaleur presque magnétique qui détient le pouvoir de vous envelopper intégralement et de vous toucher au plus profond.

    Est-ce qu’un homme interprétant les plus grandes chansons de la sulfureuse chanteuse choque? Absolument pas. José James s’approprie entièrement ces standards et les chante avec une grande sensibilité.

    Prenons par exemple la chanson God Bless the Child. L’œuvre a été complètement absorbée par José James. Dès les premières secondes, vous ne pouvez qu’être happé par le rythme envoûtant choisi par les musiciens. Puis, soudainement, la voix de José arrive à vos oreilles et à cet instant, la combinaison vous semble naturelle, évidente. Et l’on en vient presque à se demander «pourquoi, pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt?».

    Fine and Mellow est autre œuvre emblématique de Billie Holiday, une de ses compositions préférées. Le texte, écrit par Billie, parle d’une grande histoire d’amour. L’interprétation de cette chanson par José James est particulièrement réussie. Il a évidemment modifié légèrement les paroles pour plus de cohérence : à la place de «My man don’t love me», il chante «My girl don’t love me».

    L’album s’achève sur la légendaire chanson Strange Fruits, chanson évoquant l’histoire effroyable et grave que fut celle de l’esclavage des noirs aux Etats-Unis. Un fond sonore, simplement constitué de voix chantant à l’unisson, apporte une atmosphère très solennelle, presque mystique. Le rythme est uniquement marqué par des frappements de mains. Cette belle interprétation me fait d’ailleurs penser aux chants des esclaves noirs à l’époque des traites d’esclaves. La voix de José James, empreinte d’émotion et puissante, semble déchirer l’espace. Ce choix de structure permet d’écouter plus attentivement les paroles de cette chanson révolutionnaire et ouvre ainsi la porte à une réflexion concernant le sujet abordé.

    Terminer l’album sur ce monument de l’histoire du jazz est selon moi particulièrement symbolique. Il est vrai que d’autres se sont attaqués à l’œuvre de Billie Holiday mais peu de projets correspondent à ce point à l’esprit très blues, à cette intense sensibilité qui caractérise la chanteuse.

    Je vous engage à écouter ou  à voir une version live à l’Ancienne Belgique de ce projet de José James, The Music of Billie Holiday  (une version de ce live existe en intégralité sur Youtube). Il est intéressant de préciser que cette production est née en collaboration avec l’AB.

    Si cette expérience vous a plu, ainsi que celle de la découverte de l’album, je vous conseille vivement le prochain concert que donnera José James à L’Ancienne Belgique le 17 mai 2015.

    Pour plus d’infos sur ce concert, vous pouvez  vous rendre sur le site de l’AB en cliquant ici.

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