De Dario Fo, mise en scène de Toni Cecchinato, avec Jean-Claude Frison
Du 8 au 18 janvier 2015 à 20h au Théâtre Poème
Le coup d’envoi est lancé pour ce festival Dario Fo et Franca Rame au Théâtre Poème. Et c’est Johan Padan, à bord de sa caravelle, qui ouvre la voie tout en force et en tendresse.
Et c’est pour le moins un début retentissant de la part de Jean-Claude Frison, ce grand homme du théâtre belge, 50 ans de carrière au compteur et investi comme au premier jour dans ce monologue qui raconte la grande Histoire en passant par la petite porte. Car Johan Padan est un petit, un artificier, copiste patenté, garde d’animaux à ses heures qui raconte comment il a suivi le chemin tracé par Christophe Colomb et s’est retrouvé aux Amériques.
Ecrit par Dario Fo au début des années 90, Johan Padan à la découverte des Amériques n’appartient plus à la veine proprement militante du dramaturge italien. Mais même quand il ne fait pas de politique, Dario Fo reste très critique de l’Histoire et de l’Homme. Il y dresse ici un portrait cruel de l’Homme occidental et d’un des premiers génocides. Si son point de vue n’est pas d’une originalité confondante (le mythe du bon sauvage commence à dater), il a le mérite de critiquer sans complaisance les massacres des Indiens d’Amérique par les Européens au XVème siècle.
Le texte a la couleur délicieuse de la prose de Fo, libre et énergique. On y parle de couilles et de sexe sans avoir peur des mots mais pas gratuitement. On y vient car on traite de la condition humaine dans sa grandeur mais aussi dans ce qu’elle a de plus terre à terre. Les « sauvages » avec leur nudité et leur liberté sont plus proches du bonheur que nous. C’est ce que nous murmure Dario Fo tout au long de ce Johan Padan à la découverte des Amériques. Ce Johan qui n’est finalement que l’homme qui redécouvre sa condition, s’en amuse et nous en régale.
La mise en scène de Toni Cecchinato est minimaliste : un pupitre qui porte un grimoire et un cadre en fond de scène qui accueille les projections d’illustrations de la main de son auteur, Dario Fo. Le reste de la scène n’est habillé que du jeu de Jean-Claude Frison, conteur merveilleux qui gesticule et donne vie aux personnages dont il raconte les faits. Avec une présence vocale magnétique et un jeu corporel survolté, il donne vie au texte de Fo de manière spectaculaire et fait oublier qu’il est seul tant son répertoire est large et tant il est prompt à incarner à tour de rôle les différents personnages.
La mise en scène aurait gagné à se reposer uniquement sur lui sans présenter les dessins de Dario Fo qui, face à la puissance de l’interprétation, deviennent inutiles et parfois distrayantes. Néanmoins, ils ne viennent pas entraver le bon déroulement de la pièce qui reste une très bonne entrée en matière pour le Festival Dario Fo et Franca Rame.
3/5