Je suis un soldat
de Laurent Larivière
Drame
Avec Louise Bourgoin, Jean-Hugues Anglade, Anne Benoit
Sorti le 25 novembre 2015
Sur les traces du réalisme social, Laurent Larivière s’ancre, pour son premier long métrage, dans une problématique totalement contemporaine, déjà interrogée à partir des années 90 par les frères Dardenne : honte, pression sociale, difficulté de la jeune génération qui tente de s’intégrer dans un monde du travail qui semble ne pas vouloir d’elle.
Une vie de chien parmi les chiens. La métaphore est facile et la lecture de la production aurait pu s’arrêter là. Mais, comme si l’affiche du film nous mettait en garde, tout n’est pas blanc ou noir.
Je suis un soldat dresse le portrait de Sandrine, trente ans, sans emploi, qui se voit obligée de retourner vivre chez sa mère à Roubaix. Un incipit visuellement très violent, parfaitement efficace. Pour se retourner comme on dit, Sandrine va accepter de travailler pour son oncle dans un chenil qui s’avère tremper dans le trafic de chiens, qui n’est autre que le 3ème plus grand trafic mondial derrière les armes et la drogue.
Peu à peu Sandrine s’enlise dans une vi(ll)e qu’elle a clairement tenté de fuir. Dépossédée de tout désir, son seul référent devient peu à peu la nécessité d’avancer. Avancer sans savoir vers où, mais avancer. Privée d’intimité, la solitude de Sandrine, parfois appuyée de manière un peu trop ludique, contraste avec l’esprit soudé et convivial qu’évoque son contexte familial.
Loin, Sandrine incarnait « l’enfant prodige » mais le retour parmi les siens amène son lot de désillusion et de frustration, tant pour elle que pour sa famille.
Tout ce petit monde, évoque, chacun à sa manière, une difficulté sociale et agit comme un miroir pour Sandrine. Lorsque Martine, la mère, est victime de harcèlement de sa jeune supérieure, l’acte ne semble qu’un tremplin pour donner l’impulsion qui fera sortir le petit soldat des rangs. Lorsque Tony, le beau frère qui enchaîne les CDD mais n’arrive pas pour autant à payer sa maison, hurle « mais comment font les autres ? » Il renvoie directement Sandrine aux chemins illégaux qu’elle a décidé d’emprunter.
Loin des strass et des paillettes, loin de La fille de Monaco et d’Adèle Blanc-Sec, Louise Bourgoin est tout simplement sublime et sa performance bien au-dessus de ce à quoi on peut s’attendre. Un rôle loin de son genre habituel mais écrit spécialement pour elle, qui lui va comme un gant.
Sélectionné parmi les quelques 170 productions concourant pour la catégorie un certain regard à Cannes, ce qu’on retient avant tout de Je suis un soldat, c’est l’avenir prometteur qu’il offre aux rôles principaux féminins dans le cinéma.