auteurs : Nadia Geerts et Sam Touzani
édition : Renaissance du livre
sortie : mai 2015
genre : société
Si René vivait encore… Il serait forcé de reconnaître qu’aujourd’hui, pour être, penser ne suffit plus. Il faut dire, discourir et partager. Or, pouvoir s’exprimer est directement lié à un droit fondamental, quoique relativement moderne, celui de la liberté d’expression. Précieuse et puissante, celle-ci est loin d’être un acquis comme l’a prouvé « l’affaire Charlie ». C’est ce sujet et son actualité sensible que Nadia Geerts et Sam Touzani ont décidé d’aborder avec 21 jeunes entre 12 et 18 ans.
Le livre se présente comme une séance de questions-réponses organisée en dix chapitres consacrés à des sujets relatifs à la liberté d’expression : l’antiracisme, l’athéisme, le vivre ensemble, l’autocensure, le rire, l’imagination, la liberté, le blasphème, l’identité et le sacré. Chaque partie est introduite par une note de Geerts ou de Touzani et se clôture sur des citations d’intellectuels et d’activistes. Entre les deux s’ouvre un espace où les jeunes ont pu poser leurs questions et partager leurs réflexions.
Ouvertement destiné aux jeunes et aux enseignants, Je pense, donc je dis ? est écrit dans un style accessible, même si certaines parties rédigées par Sam Touzani pâtissent de son goût pour les bons mots. Le propos est résolument démocratique, humaniste et laïque, ce qui n’a rien d’étonnant vu le profil des deux auteurs. Nadia Geerts, diplômée en philosophie, et Sam Touzani, artiste et homme de spectacles d’origine marocaine, sont tous les deux des militants laïques, antiracistes et féministes engagés. Faisant fi d’un certain relativisme cultu(r)el qui placent les susceptibilités au-dessus des libertés, ils « remettent l’église/la mosquée/la synagogue au milieu du village » – ou plutôt l’en enlèvent – en revenant à l’essentiel (p.30) :
- Dans un État de droit, on ne fait pas justice soi-même
- Nul délit, nul crime ne mérite la mort
- Au grand jamais, l’expression d’une idée ne devrait mettre la vie ou la sécurité d’une personne en danger
Partant de là, ils défendent sans concession le blasphème ou « l’injure religieuse » qui n’est rien de moins que le droit de se moquer d’une religion. Les deux auteurs ne tergiversent pas : le rire, l’imagination et ultimement la liberté sont des valeurs sacrées plus communes aux hommes que leurs religions.
Il y a quelques années, une campagne commerciale du journal Le Soir proclamait : « On aura toujours raison de l’ouvrir ». Peut-être. Ou peut-être pas. Mais on devrait toujours avoir le droit de le faire, en toute sécurité. Dans ce contexte, Je pense, donc je dis ? est une bonne piqûre de rappel.