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    « Je ne suis pas un héros » ou comment sortir la comédie du divertissement pur par essai-erreur ?

    Je ne suis pas un héros
    de Rudy Milstein
    Comédie
    Avec Vincent Dedienne, Géraldine Nakache, Clémence Poésy
    Sortie en salles le 6 décembre 2023

    Ça sert à quoi une comédie ? Si, au départ, la comédie s’oppose à la tragédie par le fait que l’une finit bien alors que l’autre termine une bonne partie du temps par la mort des protagonistes, la donne a quelque peu changé. Certes, il est toujours bien rare de regarder une comédie dont la fin est malheureuse, mais le qualificatif ne définit plus tant la résolution que la teneur des évènements qui l’entraîne. En effet, à l’heure actuelle, on entend par « comédie », un film dont les objectifs sont le divertissement et, surtout, la recherche du rire. Pour preuve, les films de superhéros et les films d’action, dont la fin est très souvent à l’avantage des protagonistes, ne sont, sauf exception, jamais catalogués dans ce genre. On leur préfère les mentions « super-héros », « aventure » ou « action ».

    Cependant, on ne peut pas réduire la comédie à la simple recherche du drôle. La majorité des films ont une intention qu’on pourrait qualifier, si ce n’est de politique au moins, de sociale en donnant une vision du monde, en louant ou en discréditant certains agissements et certaines valeurs. La comédie n’échappe pas à la règle. On peut facilement citer Molière ou Chaplin dont les œuvres ont traversé les époques par une efficacité comique couplée à une dénonciation acerbe de tel ou tel comportement. Mais nul besoin d’une satire poussée, pour avoir un discours moral. En effet, la plupart des comédies adoptent un message très consensuel, celui de la tolérance et de l’acceptation. Le modèle selon lequel on place un personnage dans un environnement complètement étranger (L’enquête corse, Intouchables, Bienvenus chez les ch’tis) est une source immédiate de comédie et, au final, une petite ode au vivre ensemble.

    De ce point de vue, Je ne suis pas un héros s’intègre parfaitement dans le genre puisqu’il dépeint le portrait de Louis, un agneau au milieu d’un cabinet d’avocats rempli de loups. Cependant, cette fois, le film va plus loin et les thèmes abordés sont beaucoup plus lourds : le client que notre protagoniste et ses collègues défendent est accusé d’avoir provoqué des cas de cancer via ses pesticides. Sur le papier, c’est moyennement marrant. Cependant, la comédie découle de la maladie. En effet, persuadé que sa tumeur est maligne, Louis annonce souffrir lui-même d’un cancer et ce pronostic a tellement d’effets positifs sur sa vie (aussi bien professionnelle que sentimentale) qu’il n’ose pas se dédire lorsqu’il apprend qu’en fait, tout va bien.

    Le film se pose alors dans la lignée du « placere et docere », le plaire et instruire. Aborder un sujet grave avec un ton léger dans le but de diffuser un discours tout en amusant son audience. Cependant, si l’aspect divertissant du film est absolument réussi, le message, lui, ne perdure pas dans la mémoire. À la différence du Goliath de Frédéric Tellier sorti l’année dernière, traitant du même sujet et avec lequel Je ne suis pas un héros partage explicitement la parabole du mythe de David, film qui insuffle un sentiment d’anxiété et de révolte, le long-métrage de Rudy Milstein ne parvient pas le pari de faire embrasser sa cause au spectateur.

    D’où vient cette carence ? La question est légitime tant l’aspect comédie est réussit et le sujet important et de nature préoccupante. Sans doute doit-on regretter une fin de film qui retombe comme un soufflet. Alors que l’entièreté de celui-ci mélange les genres et les émotions avec beaucoup de justesse, l’épilogue du long-métrage sombre dans la comédie absolue en tombant dans le cliché de la supériorité ontologique du bien sur le mal. Peut-être parce que le film est une comédie et devait donc se terminer comme une comédie, peut-être pour ce fameux espoir, cette pensée positive selon laquelle si une chose est possible alors elle peut et doit être faite. À l’image d’Une année difficile d’Éric Tolédano et d’Olivier Nakache sortie il y a quelques semaines, Je ne suis pas un héros est loin d’être la seule comédie engagée à tomber dans une certaine naïveté au moment de conclure. Il n’en est pas moins regrettable de finir par la moins intéressante des notes, car c’est celle-ci qui reste en tête et en bouche une fois le film terminé.

    Pourtant l’ambition de Je ne suis pas un héros est absolument louable et il serait de bon ton que les comédies investissent plus le débat public. Mais le long-métrage tombe dans un piège que Goliath, film qui n’est pas non plus sans reproches, évite : celui de l’élément unique qui retourne complètement la situation, celui qui consiste à dire qu’aussi important qu’on soit, on a tous un talon d’Achille. Chaque jour, prouve un peu plus le contraire et les casseroles des puissants les font parfois tanguer, mais n’enlève rien à leur puissance.

    En définitive, bien que le film peine à engager son spectateur, il est un modèle de comédie. On y rit et on y réfléchit. Et si le pari de faire une comédie militante n’est pas complètement tenu, il reste une tentative globalement réussie dont il serait une bonne idée de s’inspirer.

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