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    Jarry : « J’ai vraiment envie de kiffer, car je sais que tout peut s’arrêter demain »

    Véritable phénomène artistique, Jarry a su imposer son style dans le monde du spectacle humoristique. Omniprésent en télévision, cette bête de scène n’en finit plus d’impressionner tant sa bonne humeur est communicative et son talent époustouflant. Princesse à ses heures, Jarry est l’antithèse de la morosité.

    Rencontre avec un homme aussi déjanté dans la vie que sur scène.

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    Comment êtes-vous arrivé dans l’humour, alors que vous vous destiniez plutôt au théâtre ?

    Effectivement, je rêvais plus d’une carrière de comédien, du style Comédie Française, pour jouer des personnages totalement à l’opposée de moi. Quand j’ai enfin eu la chance de le faire, je me suis rendu compte que je faisais rire les gens avec un texte qui ne s’y prêtait pas. Petit à petit, j’ai remarqué que l’humour était plus proche de moi.

    Comment était Jarry dans son enfance ?

    Pas du tout comme maintenant. Jusqu’à l’âge de 11 ans, j’étais très très timide, à tel point que les gens pensaient que j’étais autiste. Je n’avais pas le besoin de parler, mais j’observais énormément les gens. Par après, au collège, j’ai eu un prof qui m’a poussé à aller ver le théâtre pour vaincre ma timidité. Cela m’a totalement changé et transformé.

    D’après certaines sources, c’est Didier Bourdon qui vous aurait poussé à vous lancer dans le one-man-show. Est-ce vrai ?

    J’ai fait un film avec Didier (Ndlr : Bambou) et il m’a vraiment mis en confiance. Il m’a dit : « tu es drôle, tu devrais aller vers l’humour». Il l’a fait avec beaucoup de tendresse et en même temps, lorsqu’un mec des Inconnus te dit que tu es drôle, t’as le droit de tenter. J’ai alors écrit un sketch qui a fait tout de suite rire les gens. L’évidence était face à moi.

    Avez-vous totalement abandonné l’idée de jouer un rôle dramatique ?

    Non. Je me sens d’ailleurs plus fort qu’avant pour l’interpréter. Aujourd’hui, grâce à l’humour, j’ai étendu ma palette de comédien. Cependant, je n’ai pas envie de faire ça tout de suite. J’ai encore envie de rigoler tous les jours pendant deux ou trois ans. Après, j’irai probablement vers des choses plus profondes, plus intimes, plus torturées.

    Dans votre spectacle Atypique (lire la critique ici), votre personnage est égocentrique. Avez-vous dès le départ choisi cet angle très exclusif de mise en situation ?

    J’avais envie de ne parler que de moi pour éviter de taper sur les gens. En fait, après avoir fait le tour des one-man-show, je me suis dit qu’on faisait tout le temps rire aux dépens des gens du public. Moi, en tant que spectateur, quand je paie ma place, je n’ai pas envie de me faire cartonner. Si c’est le cas, cela doit être un tout petit élément du spectacle, mais pas l’élément central. J’ai donc choisi de présenter un personnage égocentrique mais has been. C’est une manière de dire aux gens : «venez rigoler de moi !».

    Chose assez rare aujourd’hui pour être soulignée, il n’y a pas de politique dans votre spectacle. Est-ce que cela ne vous intéresse pas ou bien avez-vous sciemment choisi de ne pas en parler ?

    Pour parler de politique, il faut un peu d’expérience de vie. Certains le font très bien et je ne peux pas les égaler. Moi, j’ai envie d’être dans quelque chose de positif et qui me donne envie de vivre, sans nostalgie ou dégoût.

    On vous voit énormément à la télévision française. Qu’est-ce qui vous plait dans le jeu télévisuel ?

    Faire de la télé, c’est un peu comme aller à Disneyland, c’est un parc d’attractions où je vais pouvoir m’amuser et faire ce que je veux. Car, même si je vais trop loin, ils pourront monter et prendre ce qu’ils veulent. Alors, comme j’ai 7 ans, j’adore Disney et donc j’ai envie d’y aller tous les jours. J’ai vraiment envie de kiffer, car je sais que tout peut s’arrêter demain.

    Lorsque vous passez dans une émission, on ne voit que vous ! Ressentez-vous le besoin d’être constamment à l’avant-plan ?

    Si on me laisse un centimètre, je vais le prendre. J’aime tellement ça ! Je vais d’ailleurs animer une émission télévisée en France prochainement. Alors, je vais devoir faire attention car dans la vie, je suis beaucoup plus barré encore. Pour moi, il n’y a pas de tabou et il est possible de rire de tout.

    Lors de votre précédent passage en Belgique, vous vous êtes produit dans des petites salles (Ndlr : Les Riches-Claires et les Chiroux), bien trop étroites pour vous. Pourquoi ?

    C’est un choix de ma part. Mes producteurs m’ont dit d’attaquer d’emblée sur des salles de 800 places, mais je ne voulais pas. Je n’étais jamais allé en Belgique et je voulais d’abord rencontrer les gens, savoir qui venait me voir. J’ai vraiment besoin de maîtriser ce qu’il se passe.

    Et qu’en avez-vous pensé ? Comment voyez-vous le public belge aujourd’hui ?

    Les Belges sont contents de venir au spectacle. Ils s’habillent, ils se parfument, c’est une vraie sortie. En France, on a tellement d’offres que les gens sont blasés. Pour le reste, il n’y a pas vraiment de différence entre les pays. Par contre, il y a des gens bizarres et des gens géniaux partout.

    Côté cinéma, lorsque l’on voit votre filmographie, on peut la trouver étonnement maigre pour un artiste de votre envergure. Comment expliquez-vous cela ?

    Bizarrement, on ne vient pas me chercher. Je pense qu’ils ont peur de mon personnage, mais ce n’est pas grave. Je ne vais pas me mettre à genou en suppliant, car je suis très heureux de ce que j’ai pour l’instant. Le Saint-Graal pour moi n’est pas le cinéma.

    Pensez-vous qu’on a peur de vous voir à contre-emploi ?

    Je pense que oui. Je pense également que beaucoup de personnes n’ont pas assez d’imagination pour me voir à contre-emploi. Aujourd’hui, les seules propositions que je reçois dans le milieu du cinéma, c’est pour jouer des comptables, des secrétaires gays et efféminés qui se font démonter par toute la population dans le film. Personne ne me voit en serial killer ou en mec violent, alors que je sais jouer ces rôles.

    Estimez-vous que le monde du spectacle a encore un problème avec l’homosexualité ?

    Mon homosexualité est un argument pour dire qu’on ne m’aime pas. Pour les autres, ils s’en foutent. Cela reste juste un prétexte pour certains de dire : « je ne l’aime pas, il est trop gay ». Car, il faut savoir qu’il y a les gays et les trop gays. C’est génial comme concept (rires).

    Atypique, le spectacle 100% bien-être de Jarry, sera le 7 octobre au Centre Culturel d’Uccle, le 8 octobre au Trocadéro à Liège, le 29 janvier au Centre Culturel de Mouscron, le 29 mars au Festival du Rire de Bastogne, le 31 mars au Théâtre de Binche et le 1er avril à l’Espace Duesberg à Verviers (réservez vos places en cliquant ici).

     

    Crédit photo d’illustration © Julien Benhamou

    Matthieu Matthys
    Matthieu Matthys
    Directeur de publication - responsable cinéma du Suricate Magazine.
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