auteur : Catherine Gil Alcala
édition : La Maison brûlée
sortie : décembre 2015
genre : théâtre
James Joyce Fuit… Lorsqu’un Homme Sait Tout à Coup Quelque Chose est une pièce complètement hallucinée. Et le mot est encore trop faible quand on parle de l’écriture de cet auteure. Catherine Gil Alcala a en effet évolué dans des disciplines distinctes telles que la poésie, la musique, le théâtre ou encore les arts plastiques durant de nombreuses années. Se consacrant désormais à l’écriture, son domaine de prédilection reste l’inconscient, les rêves le tout saupoudré d’une énorme dose de surréalisme.
La pièce commence par les hallucinations d’un homme qui déambule dans une ville qui s’effondre. Ensuite, tout part dans tous les sens. On est obligé de souvent revenir à la page de présentation des personnages pour tenter de s’y retrouver dans cet imbroglio de personnages plus loufoques les uns que les autres car certains ont plusieurs noms différents et certains possèdent même plusieurs réincarnations.
Si la pièce est très courte, il n’en reste pas moins que cette pièce dégage une puissance incroyable. Le style de Catherine Gil Alcala est très particulier, oscillant entre jeux de mots bien sentis et autres contrepèteries dont la musicalité n’est pas à remettre en cause. Lire la pièce à haute voix donne d’ailleurs encore plus de profondeur au texte, même si l’on ne comprend qu’assez vaguement ce qu’il s’y passe. On perçoit cependant qu’il s’agit d’un homme qui se perd dans les labyrinthes de son esprit tombé dans la folie et revit l’amour qu’il porte à une actrice à travers toutes les femmes qu’il rencontre.
Comme le dit si bien la dernière phrase de cette pièce : « Le poème est le résultat d’un empoisonnement produisant de sublimes hallucinations » (p. 56). Tout est résumé ici, dans ces quelques mots. Théâtre poétique ou poésie tout court, il n’est pas toujours nécessaire de tout comprendre pour saisir l’essence et la beauté des mots.
Les Bavardages sur la Muraille de Chine, deuxième pièce de théâtre de ce recueil, met en scène deux hommes en balade sur la Grande Muraille de Chine, qui discutent en cherchant à tuer le temps pour retarder l’angoisse de son passage tout en mettant le théâtre en morceaux à travers une foule de personnages dont les noms sont particulièrement saugrenus. On aurait pu croire après avoir lu la première pièce qu’il s’agissait d’un essai dans un genre particulier. Mais non, Catherine Gil Alcala persiste et signe dans ce style saisissant. Elle arrive à transformer la langue française dans un jeu extrêmement puissant dont la compréhension reste cependant sibylline, avec des mots et des tournures de phrases jamais usités dans cet ordre ou de cette manière. On ne sait même pas toujours si les personnages se répondent : ils ont plutôt l’air de parler pour eux-mêmes ou d’eux-mêmes tout court.
Beaucoup de ses pièces ont fait l’objet de performances musicalo-poétiques. On le comprend sans mal et c’est pourquoi il serait intéressant de les découvrir mises en scène, car le contexte, dans ce cas, prend tout son sens : lorsqu’un texte est beau, il faut le sublimer. Prenant à témoin Buck Mulligan qui s’exprime ainsi : « Le mirage surnage dans une tasse d’aluminium. » (p. 98).
Du grand art !