Jamais de la vie
de Pierre Jolivet
Policier
Avec Olivier Gourmet, Valérie Bonneton, Marc Zinga, Thierry Hancisse, Jean-François Cayrey
Sorti le 29 avril 2015
Après dix ans de galère, Franck a accepté de devenir agent de sécurité, faute de mieux. Avant, il était ouvrier spécialisé et délégué syndical. La nuit, il patrouille seul et tente de dormir le jour. La cinquantaine, désillusionné et usé par ses anciens combats, il s’est enfermé dans une routine et regarde passer sa vie dans un mélange de loose et d’indifférence. C’est un homme qui s’est endormi, qui a cessé de lutter, de rêver face à des perspectives d’avenir assez sombres. Mais une nuit, un 4×4 rutilant qui rôde sur le parking l’intrigue fortement. Piqué par la curiosité, il décide de mener son enquête et, par la même occasion, de reprendre sa vie en main.
Pour son nouveau film, Pierre Jolivet (Ma petite entreprise, Je crois que je l’aime) embrasse de plein fouet son époque en racontant l’histoire d’un homme qui se révolte contre ce que la vie a fait de lui aujourd’hui. Pour ce faire, le cinéaste a déposé sa caméra entre un centre commercial de banlieue, désert à ses heures de fermeture, et un appartement miteux situé dans un immeuble sinistre d’une cité parisienne. Des décors cafardeux qui donnent plutôt envie d’entrer à reculons dans le film. Mais s’il est vrai que le réalisateur français n’a pas choisi de nous vendre du rêve dans son dernier long-métrage, il signe néanmoins un habile polar noir et social.
En effet, dans une mise en scène à la fois sobre et efficace, Jolivet laisse transparaitre ses préoccupations sociales et humanistes sans pour autant délaisser le suspense. Les temps morts qui servent à dépeindre la solitude profonde de Franck sont très souvent contrebalancés par des séquences fortes qui distillent une tension et un climat anxiogène. Certaines scènes du début ont même des allures de western.
L’anti héros de service est solidement campé par Olivier Gourmet, impérial dans le rôle d’homme fatigué et vidé par le système. L’acteur belge qu’on lie intimement au cinéma des frères Dardenne est confondant de vérité dans la peau d’un homme prisonnier de sa vie. La caméra suit régulièrement son corps en action, qu’il soit enfermé dans ses habitudes ou en mode traque. Autour de lui gravitent des personnages secondaires attachants : Marc Zinga en sympathique collègue émigré, Valérie Bonneton en conseillère du centre social pleine d’empathie et Bruno Bénabar en patron doux rêveur.
La petite paresse du film réside, selon nous, dans l’écriture des dialogues. On perçoit, çà et là, quelques poussées de sensiblerie notamment dans les échanges entre Franck et sa conseillère sociale qui peine, elle aussi, à joindre les deux bouts. On l’a bien compris, Jolivet se range du côté des faibles, de la France d’en bas. Mais son curseur est parfois mal placé – la délicate balance entre le non-dit et le souligné n’a pas été toujours trouvée – et l’on assiste à des dialogues pénibles et misérabilistes d’autant plus inutiles qu’on retrouve en arrière-plan, tout au long du film, l’enseigne d’Intermarché avec son message subliminal « tous unis contre la vie chère ».
Film à fibre sociale, Jamais de la vie tient son titre du porte-voix que Franck garde religieusement chez lui, dernier vestige d’un temps révolu. Un accessoire qui semble dérisoire aujourd’hui mais qui est le symbole du fameux « Camarades ! Jamais de la vie » des luttes anciennes. Avec son dernier long-métrage, Pierre Jolivet semble vouloir rappeler qu’en chacun de nous, il y a quelque chose qui dit non, quelque chose qui dit « jamais de la vie ! ». Certains y verront peut-être un appel au réveil, à la rébellion.