auteur : Walter Benjamin
édition : du Rocher
sortie : février 2018
genre : témoignage
Le 22 mars 2016, Bruxelles est frappée par un double attentat faisant 32 morts et plus de 300 blessés. Au milieu des débris et des corps inertes, un homme, Walter Benjamin, se bat pour survivre. Lui qui s’apprêtait à embarquer dans un avion en direction d’Israël pour y revoir sa fille, se retrouve gisant au sol, la jambe droite arrachée. Grâce à l’aide d’un militaire et d’un quidam prénommé Hassan, Walter Benjamin va sortir de l’enfer et entamer une longue convalescence.
Deux années plus tard, Walter Benjamin se bat au quotidien pour tenter de retrouver une vie quasi-normale. Cela passe bien entendu par les séances de rééducation, mais aussi par la réflexion. Pourquoi lui ? Pourquoi eux ? Qui étaient-ils ? Pourquoi le font-ils ? Sont une partie des innombrables questionnements qui ont inondé son cerveau. Si de nombreuses victimes ont fait le choix de ne pas en parler, Walter Benjamin a pris la plume pour livrer son témoignage, son vécu, ses craintes et ses colères. En résulte le livre J’ai vu la mort en face – Une vie après l’attentat, un témoignage qui, de par sa singularité évidente, provoque frontalement la sensibilité et l’esprit critique du lecteur.
Critiquer un ouvrage tel que J’ai vu la mort en face – Une vie après l’attentat n’est pas chose aisée. De fait, le témoignage littéraire trouve sa raison d’être dans le fond et non la forme. Le style, quel qu’il soit, se noie irrémédiablement dans l’encre traumatique de la plume. Averti, le lecteur n’a alors plus qu’à mesurer le poids des mots et contextualiser des scènes qu’il n’a jamais vécues pour comprendre la démarche de son auteur.
À la lecture de son livre, la démarche de Walter Benjamin paraît complexe. D’une part, l’homme se situe, sort de l’anonymat du constat « plus de 300 blessés » en nous racontant son histoire, celle d’un homme, d’un père, d’un fils, d’un juif, d’un Belge,… de celui qui était au mauvais endroit, au mauvais moment. De l’autre, Walter Benjamin s’insurge, fustige et critique ce qui, à ses yeux, est non seulement responsable du basculement de sa vie, mais qui est surtout coupable de la dérive extrémiste d’une poignée d’individus. Un livre à charge et à décharge, entre le témoignage et l’essai, qui n’offre d’autre choix au lecteur que d’être interpellé par les prises de position parfois brutales, mais souvent claires, de son unique narrateur.
C’est un fait, en se positionnant face aux amalgames ou en admonestant les politiques, Walter Benjamin politise son propos et flirte avec l’étiquette d’essayiste. Au coeur de la géhenne, l’homme n’en oublie dès lors pas son pragmatisme et cherche d’innombrables réponses à ses interrogations. Comme Primo Levi l’avait fait bien avant lui dans L’Asymétrie et la vie, Walter Benjamin digresse afin de mettre en perspective le cercle vicieux de l’intolérance.
En somme, J’ai vu la mort en face – Une vie après l’attentat est davantage le récit des réflexions introspectives et philosophiques de son auteur qu’un témoignage impassible des évènements du 22 mars, avec tout ce que cela comporte de subjectivité et de discursivité.