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    J’ai une épée ou l’autodéfense enfantine

    De et avec Léa Drouet du 18 au 21 mai 2023 au Théâtre National, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts.

    Léa Drouet est tapie dans l’ombre en fond de scène tandis que le public prend place. Le plateau est occupé par des éléments techniques (projecteurs, haut-parleurs) et un alignement de blocs, de tailles diverses, d’un blanc pailleté. L’ensemble évoque les buildings d’une cité voire les bancs d’une classe.

    Elle s’avance, cheveux courts platine, short et haut à capuche, baskets, allure androgyne. « Dans une boîte, à côté de mes bulletins scolaires, j’ai retrouvé un dessin que j’avais fait en maternelle ». D’une voix calme et posée, elle décrit ce dessin où les enfants ont des fleurs à la place des mains et la maîtresse une couronne sur la tête. Sans tenter d’en imiter la gestuelle, la voix ou l’apparence, Léa Drouet se place à hauteur de l’enfant et porte son regard innocent sur ce qui l’entoure.

    Dans cette école au milieu des montagnes, on apprend qu’il s’est passé quelque chose de grave dans une autre école : un professeur d’histoire-géographie a été assassiné pour avoir illustrer la liberté d’expression en montrant un dessin. Après une minute de silence, une discussion a lieu en classe à propos de l’événement et une petite fille d’à peine dix ans ose une réflexion sur le fait qu’il ne serait pas mort s’il n’avait exhiber cette caricature. La « consigne nationale » de signalement de tout propos ou comportement susceptible de trahir la moindre forme d’« apologie du terrorisme » lui vaudra d’être réveillée à l’aube par sept policiers cagoulés et de passer dix heures au commissariat. La fillette porte un t-shirt rose à paillettes sur lequel il est inscrit « I’m amazing ». Vêtue d’une cape brillante, la comédienne change de registre , « il y a des monstres dans la forêt, j’ai une épée mais pas une vraie ».

    A partir du monde réel – une classe, un gymnase, un commissariat -, Léa Drouet glisse vers des mondes oniriques des enfants et des mécanismes d’autodéfense qui leur permettent de fuir une situation en recourant à l’imagination. Ce faisant, elle porte un regard critique sur les manquements et les dérives des institutions supposées élever, éduquer, protéger, faire s’épanouir les enfants. Tous ne sont pas autorisés à être des enfants, tous ne sont pas à égale distance de la parole du maître.

    Au croisement du son, de la lumière, de la scénographie et du jeu, Léa Drouet livre un récit extrêmement sobre qui louvoie entre les réalités de l’enfance et la fabulation et confronte la réalité adulte au regard de l’enfant. Des effets de transformation vocale selon le personnage qui s’exprime et une gestuelle est simple et précise, telle ce geste lent et ample de la main qui dessine un arc-en-ciel dans l’espace, donnent à ce spectacle émouvant des airs de féerie.

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