Sept ans après leur premier album, les Liégeois de Pale Grey reviennent avec It Feels Like I Always Knew You, un disque qui marque une évolution artistique assumée. Entre narration immersive et refus des carcans de l’industrie musicale.
Chaque titre, comme une escale dans un road trip musical, s’attarde sur une figure singulière—douze morceaux, douze prénoms, douze histoires qui s’entrelacent. À la fois engagé et attendrissant, ce deuxième album s’écoute comme un voyage où le groupe nous embarque main dans la main dans un récit digne d’un roman fleuve.
Avec une sortie prévue ce 31 janvier, It Feels Like I Always Knew You démarre en beauté une année 2025 qui s’annonce prometteuse pour la scène musicale belge.
Les Liégeois célébreront l’album sur scène avec une série de concerts : le 31 janvier à l’Ancienne Belgique, le 1er février au Belvédère à Namur et le 21 mars au Reflektor à Liège.
It Feels Like I Always Knew You, c’est un concept bien ficelé. Chaque chanson est représentée par un prénom et une histoire. Racontez-moi un peu l’origine de ces prénoms. Comment les avez-vous choisis ?
Pour les prénoms, on a cherché des noms archétypes qui correspondent aux profils développés dans les morceaux. Par exemple, pour un morceau sur un migrant érythréen, on a cherché un nom commun en Érythrée qui évoque le voyage. On a beaucoup débattu sur les prénoms, car chacun projette des choses différentes sur un nom. Cela fait des années qu’on joue ensemble et on trouve facilement un terrain d’entente, mais le choix des prénoms a donné lieu à de vifs débats.
Comment abordez-vous les thèmes sensibles tout en gardant une certaine douceur dans le son ?
On a une ADN musicale qui tend vers la douceur et la mélancolie. On essaie d’être en adéquation avec ce que le morceau inspire. Par exemple, pour un morceau sur un réfugié érythréen, on a mélangé la tristesse du départ avec une pointe d’espoir. Les paroles et la musique se nourrissent l’une l’autre.
L’album aborde des sujets lourds comme l’immigration ou les violences conjugales, mais il sait aussi capturer des instants plus légers du quotidien. C’est le cas de Félix, un morceau inspiré par une histoire assez cocasse qui est arrivée à Gilles ?
Félix, c’est un morceau qui, à la première écoute, pourrait passer pour une chanson de rupture. On imagine quelqu’un rentrer chez lui, découvrir qu’on l’a trompé, qu’il a été remplacé. Mais entre les lignes, on comprend peu à peu qu’il ne s’agit pas d’une histoire d’amour. Mon chat est parti quand la famille s’est agrandie. J’ai l’impression qu’il a senti un transfert d’affection et qu’il a décidé de s’éloigner. Bien sûr, c’est une vision un peu animiste, mais ça m’a fait réfléchir : est-ce qu’il a compris qu’un autre être arrivait et qu’il n’avait plus la même place ? »
Tu as réussi à faire ton deuil avec cette chanson ?
Un an après, il est revenu. Il a mangé quelques croquettes, est venu se blottir dans mes bras, a ronronné… Puis il est ressorti et n’est jamais revenu. J’ai laissé la chatière ouverte, mais depuis, d’autres chats sont passés. Est-ce que j’ai vraiment fait mon deuil ? Je ne sais pas. Au final, Félix raconte une histoire à la fois intime et universelle : celle de l’absence, du manque, et de ces départs qu’on ne comprend jamais vraiment.
Vous comparez souvent ce nouveau projet au cinéma. Pourquoi ce parallèle entre l’album et l’univers cinématographique ?
On a voulu construire quelque chose de cohérent de A à Z. Les morceaux sont comme des petites histoires de gens qui nous entourent. On a vu ces morceaux comme une chorale, une série de vécus différents. Le point commun, c’est ce rapport au cinéma, à l’idée d’une histoire collective. On a imaginé cet endroit commun.
Vous apparaissez très peu dans les visuels liés à l’album, pourquoi ?
On a joué le jeu des réseaux sociaux par le passé, mais cette fois, on a voulu faire un contre-pied. On a développé un concept qui nous excite, en mettant en avant les morceaux et les personnages plutôt que nous-mêmes. On essaie de transformer les contraintes en opportunités créatives.
Avez-vous peur que les visuels des clips conditionnent l’imagination des auditeurs ?
C’est un risque, mais on a essayé d’être dans l’évocation plutôt que dans la description. On veut laisser de l’espace à l’imagination des auditeurs. En même temps, donner un visage aux morceaux ajoute de l’épaisseur et de la cohérence. On veut que les gens écoutent nos morceaux, pas qu’ils nous regardent.
Diriez-vous que c’est un album politique ?
L’album est engagé, mais pas frontalement politique. Les thèmes abordés sont sociétaux et nous touchent personnellement. Si ça devient politique, c’est parce que ces histoires bousculent la société .Nous n’avons pas anticipé une réception politique, car notre démarche était avant tout de raconter des histoires qui valent la peine d’être racontées.
Vous allez embarquer dans une série de concerts, en commençant par la première présentation de l’album ce 31 janvier à l’Ancienne Belgique? Quelle chanson vous excite le plus de jouer en live ?
On est excité de jouer tous les titres, car on a travaillé sur une mise en scène et des lumières pour créer un voyage. On est impatient de voir comment le public va réagir, surtout pour des morceaux comme celui sur la violence conjugale, qui a déjà été joué devant des personnes concernées. C’est intimidant, mais important.