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    Interview avec Serge de Poucques pour Casanova ma fuite des Plombs

    Grand soir pour vous demain : votre première pièce de théâtre Casanova, ma fuite des Plombs sort  au théâtre le Public.  Elle va rester à l’affiche jusqu’au 4 avril. Est-ce que vous pouvez présenter la pièce en quelques mots? 

    La pièce se situe au moment où Casanova, l’homme que l’on connait, est enfermé sous les Plombs à Venise. Il est enfermé pendant 18 mois, il ne sait pas pourquoi il est là, il ne sera jamais interrogé et, après une première tentative ratée, il va s’évader de façon tout à fait rocambolesque. Ça va un peu créer son mythe.  Il va devoir fuir Venise et c’est là où il va voyager partout en Europe. Il va aller à Paris, à Saint Pétersbourg, à Londres, il va être reçu dans toutes les grandes cours européennes de l’époque.

    J’ai voulu faire un Casanova jeune. Il a 30 ans, il est en pleine forme, en pleine possession de ses moyens et à la fois un Casanova qui, à ce moment-là, commence à réfléchir à sa vie, mais surtout un Casanova qui se remémore tous ses plaisirs, ses conquêtes pendant qu’il est sous les Plombs.

    La pièce est donc centrée sur ses réflexions et ses désirs? 

    C’est à la fois philosophique, drôle et sensuel parce qu’il se rappelle ses plaisirs. On ne peut pas parler de Casanova, qui était un esprit libre dans un corps libre, sans avoir à la fois le côté sensuel, le côté conquête amoureuse. C’est un grand amoureux de femmes. Il plaisait aux femmes parce qu’il les révélait à elles-mêmes. C’est un anti-Don Juan, auquel on le compare parfois, parce que Casanova c’est quelqu’un qui partage le plaisir tandis que Don Juan, le personnage de fiction, est plutôt quelqu’un qui est dans la cruauté du combat amoureux. Casanova ce n’est pas ça du tout, c’est la volupté. Donc oui, il y a ce côté libertin, mais un libertin à la fois dans la chair et aussi dans l’esprit.

    Vous vous occupez de la production cinéma depuis plusieurs années. Vous êtes cofondateur de la société de production Nexus Factory. Vous êtes notamment connu pour, entre autres, les films Dead Man Talking et  La Famille Bélier.  Pourquoi passer au théâtre ? 

    En ce qui concerne le cinéma, je suis producteur donc c’est à la fois créatif mais c’est aussi faire des montages financiers, gérer des équipes… Donc tout ça est intéressant, mais ma passion a toujours été l’écriture, c’est ça qui m’a amené à la production. Grâce à cette passion d’écriture, au bout d’un moment, quand on a une certaine maturité, d’abord on écrit pour soi et puis quand on pense avoir un petit quelque chose à dire, on commence à écrire pour les autres. Et le théâtre me semblait être le bon moyen de parler de Casanova, de parler de cette liberté de pensée, liberté d’esprit qu’il avait. Et puis aussi, ça permet un plaisir à l’auteur, qui est, après avoir lâché son « bébé », son texte, ici mis en scène par Michel Bogen avec Michelangelo Marchese dans le rôle de Casanova, de pouvoir un soir se fondre dans le noir de la salle avec les spectateurs et de ressentir avec eux les émotions, les rires qu’on a voulu mettre dans sa pièce.

    Est-ce une envie passagère ou comptez-vous continuer le théâtre ? 

    L’idée est bien de continuer à écrire. En ce moment j’écris l’adaptation d’une bande dessinée pour le cinéma avec ma compagne Catherine Olaya, le film va être monté sans doute l’année prochaine. L’écriture c’est toujours assez long. Mais non, bien sûr je ne vais pas lâcher l’écriture et il y a d’autres pièces en vue.

    En quoi votre expérience de producteur cinéma vous a facilité le travail au théâtre? 

    Je pense que, pour avoir beaucoup travaillé avec des auteurs de cinéma, ça permet de connaitre les contraintes qui sont liées à la production d’un film, d’une pièce. Et donc ça oblige le propos à être à la fois concis, direct et à raconter une histoire. Parfois on oublie que ce qui est important c’est d’amener le spectateur, qu’il soit au cinéma ou au théâtre, par la main tout au long de l’histoire et que la mise en scène est d’autant plus efficace qu’elle sert à un texte qui nous amène à la fois dans le rêve, mais qui nous raconte aussi une histoire.

    Et qu’est-ce que vous désirez transmettre à travers l’histoire de Casanova ? 

    Je pense que Casanova était un esprit libre, que c’était un libre penseur. C’est le siècle des Lumières. Il s’est battu contre l’Inquisition et quand on voit ce qui se passe aujourd’hui, il y a des nouvelles inquisitions. Je pense que son message, sa philosophie est proche de la vie. Pour lui Dieu c’est surtout la vie. Ce ne sont pas des censeurs, ce ne sont pas des gens qui basent leurs idées sur la peur ou sur les interdits.  On n’enferme pas Casanova, mais on n’enferme pas non plus son esprit. Aujourd’hui, c’est extrêmement moderne d’avoir cet éclairage sur quelqu’un qui a dit des choses de cet ordre-là, il y a plus de 200 ans. Il est très moderne, justement parce que la liberté c’est quelque chose de naturel, d’inhérent à l’Homme et on a besoin d’entendre ce message de liberté aujourd’hui.

    Son personnage a fait l’objet de plusieurs œuvres différentes. En quoi votre Casanova se distingue de tous les autres ? 

    Casanova était vu par des grands cinéastes, par des auteurs de romans, des auteurs de bandes dessinés.  Moi, j’ai voulu un Casanova qui soit à la fois fort et fragile, un Casanova sensuel et intelligent. C’était un bel esprit. Souvent on l’enferme soit uniquement comme un séducteur qui collectionne les femmes, soit, comme Fellini l’a fait, une espèce de pantin articulé par ses propres passions et ses propres désirs. Moi je pense que Casanova est un personnage extrêmement moderne et qu’il faut sortir de l’idée préconçue que l’on en a pour découvrir un homme à la fois intelligent, à la fois séducteur, mais dans le bon sens du terme. Un homme de plaisir.

    Joanna Loga-Sowinska
    Joanna Loga-Sowinska
    Journaliste du Suricate Magazine

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