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    IncarNations célèbre la diversité de l’art africain

    Affiche de l'expo IncarNations (BOZAR, 2019)

    IncarNations, la nouvelle exposition de BOZAR à Bruxelles, a été conçue par l’artiste et commissaire sud-africain Kendell Geers. Elle propose environ 150 œuvres du collectionneur congolais Sindika Dokolo.

    IncarNations veut changer le regard du spectateur sur l’art africain, ancien ou actuel en mêlant des masques traditionnels à des œuvres contemporaines entre installations, photo, peinture et vidéo. La spiritualité est l’élément qui lie l’ensemble de ces œuvres. L’exposition interroge ainsi sur la complexité de l’identité africaine et de ce qui fait son histoire, ses langues et dialectes, sa culture, ses traditions mais aussi sa diffusion et son influence sur les autres continents.

    La parole comme force

    Lors de la conférence de presse inaugurale, Kendell Geers a évoqué la force de la parole, l’importance de s’exprimer à travers son art et d’être entendu. Il insiste sur le droit le plus fondamental : parler avec ses mots pour exprimer ses idées, ses envies, et définir qui on est.

    Le parcours de cet artiste est atypique. Blanc en Afrique du sud, il rejoint un groupe anti-apartheid à 15 ans et doit fuir le pays pour Londres afin de ne pas servir dans l’armée. Il retourne à Johannesburg après la libération de Nelson Mandela et vit actuellement à Bruxelles. Son travail artistique parle de politique et d’identité.

    Photographie d'une oeuvre de l'expo IncarNations (BOZAR, 2019): Kendell Geers, Twilight of the Idols (Fetish), ruban d’urgence, objets perdus et clous, 2002, 64 x 35 x 30 cm, © Courtesy of the artist
    Kendell Geers, Twilight of the Idols (Fetish), ruban d’urgence, objets perdus et clous, 2002, 64 x 35 x 30 cm, © Courtesy of the artist

    La scénographie modifie complètement les salles du BOZAR. Elle se base sur la superposition d’un ancien plan de la ville de Kinshasa, adapté à l’espace du musée. Un papier peint recouvre partiellement le sol et les murs tout au long de l’exposition. Créé par Kendell Geers pour l’occasion, il s’inspire des symboles de la tradition ashanti ouest-africaine. Le motif, à première vue abstrait, est composé du mot BE.LIE.VE découpé comme tel et répété à l’infini.

    Ici, la croyance provient d’un mensonge. En parallèle de ces motifs sont placés des grands miroirs qui confrontent sans cesse le spectateur à sa propre image, l’intégrant en continu dans l’exposition. Les œuvres sont installées aussi bien sur les murs que dans l’espace, sur différentes structures quadrillées en métal blanc, assez peu présent dans les grands musées.

    Quelques œuvres en détail

    L’artiste Nigérian Yinka Shonibare expose une œuvre au titre explicite, How to blow up two heads at once. Celle-ci représente deux silhouettes d’homme se menaçant d’une arme et habillés en costume victorien, fabriqué dans des tissus africains colorés. Ici, les silhouettes n’ont pas de tête et donc pas d’identité. Le spectateur peut faire le choix de leur couleur de peau. La pratique artistique de Shonibare à quelque chose de poétique, offrant au spectateur un juste mélange de l’Afrique et de l’Europe avec quelque chose d’aussi formel qu’un costume. Elle évoque ici l’identité comme un mélange, générant quelque chose de nouveau.

    Photographie d'une oeuvre de l'expo IncarNations (BOZAR, 2019): Yinka Shonibare CBE, How to blow up two heads at once, Installation, 2 mannequins, wax allemand imprimé en coton, bottes en cuir, socle, 2006, 175 x 245 x 122 cm © Yinka Shonibare, courtesy of Stephen Friedman Fine Art
    Yinka Shonibare CBE, How to blow up two heads at once, Installation, 2 mannequins, wax allemand imprimé en coton, bottes en cuir, socle, 2006, 175 x 245 x 122 cm © Yinka Shonibare, courtesy of Stephen Friedman Fine Art

    Au centre de la troisième pièce, on peut visionner le clip vidéo I fink you freeky de Die Antwoord, réalisé en 2012 par l’artiste sud-africain Roger Ballen. Le rythme rapide correspond à l’univers de l’artiste, sombre, en noir et blanc, singulier et atypique. Une série de photos est également présentée. Dans la lignée de sa pratique, les clichés sont pris dans les quartiers pauvres des villes et villages d’Afrique du sud. Ils représentent des Afrikaners mis en scène de manière très étudiée, et toujours en noir et blanc. L’artiste semble vouloir générer un sentiment de malaise chez le spectateur, une volonté de montrer la misère dans des décors sales et abandonnés.

    Deux photos de la série The Klan, réalisée en 1990 par l’artiste hondurien Andres Serrano, montrent des membres de Ku Klux Klan en costume complet. Les photos sont prises suivant le même schéma que la majorité de série de photo de l’artiste, ici sur fond noir, en portrait et de face ou de trois quarts. Ces clichés rappellent la série America prise de 2001 à 2004 qui offre une vision large de l’Amérique. Andres Serrano a photographié un prêtre, un scout, une femme voilée, un pompier, un soldat, une mini miss, une serveuse de chez Hooters, Snoop dog et même Donald Trump, quelques années avant son élection. Autant de visages qui créent l’image qu’on a de l’Amérique actuelle. Les photos d’Andres Serrano sont touchantes car toujours honnêtes, que ça soit dans le bien ou dans le mal.

    Parmi les autres pièces de l’exposition on peut citer les œuvres d’Ana Mendieta, artiste américano-cubaine qui pratique la sculpture et la performance entre le body-art et le land-art, Pieter Hugo artiste sud-africain et ses deux clichés de la série The hyena & other men, et Stephen Shames qui présente ses clichés des membres du black panthers, offrant une autre vision, plus intime et quotidienne de leur vie.

    IncarNations sera visible tout l’été à BOZAR. Elle regroupe 150 pièces d’une collection privée comprenant quelques pièces anciennes mais aussi des œuvres de grands noms de l’art contemporain africain, ainsi que de quelques artistes étrangers. Une exposition qui étonne et questionne sur l’identité d’un continent encore trop peu souvent représenté dans les musées européens.

    Infos pratiques

    • Où ? BOZAR, rue Ravenstrein 23, 1000 Bruxelles.
    • Quand ? Du 28 juin au 6 octobre 2019, du mardi au dimanche de 10h à 18h, et le jeudi jusque 21h.
    • Combien ? 10 EUR au tarif plein. Plusieurs réductions disponibles.
    Anaïs Staelens
    Anaïs Staelens
    Responsable de la rubrique Arts/Expos Journaliste du Suricate Magazine

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