Ce mercredi 10 février, Mirage d’amour sort dans les salles. Une romance belge à l’inspiration chilienne qui offre aux spectateurs des plans à couper le souffle.
Rencontre avec Hubert Toint, réalisateur et producteur de ce film né sous la plume d’un certain Bernard Giraudeau.
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Mirage d’amour devait être réalisé par Bernard Giraudeau et produit par Bernard Rapp, aujourd’hui tous les deux décédés. Finalement, vous êtes producteur et réalisateur du film, comment êtes-vous arrivé dans cette aventure ?
C’est Bernard Rapp qui avait choisi de produire le film de Bernard Giraudeau et j’incarnais à l’époque le producteur belge minoritaire. J’étais donc présent à l’origine du projet. À l’époque, j’avais beaucoup apprécié le scénario et j’étais très enthousiaste à l’idée de le faire.
Hélas, Bernard Giraudeau est tombé malade, puis ensuite Bernard Rapp. Au décès de Bernard Rapp, on pensait que Bernard Giraudeau allait pouvoir revenir à la réalisation et j’avais été désigné comme co-réalisateur du film. J’ai donc fait une grande préparation du film en sa compagnie.
Pourquoi avoir choisi de réaliser ce film et ne pas être resté seulement producteur de celui-ci ?
Je suis réalisateur à la base. Même si je suis très vite parti vers la production, j’ai toujours gardé en tête l’envie de réaliser. Comme j’étais souvent présent et très au courant du projet, j’ai pris la direction du film.
Entre le décès de Bernard Giraudeau et la sortie du film, six années se sont écoulées. Pourquoi un si long délai alors que l’histoire était là ?
Parce que j’ai longuement hésité. Puis, il faut comprendre que le financement français a complètement disparu avec Bernard Giraudeau. Il y a une grande différence entre financer un film de Bernard Giraudeau – plus d’un million d’entrées avec Les Caprices d’un fleuve – et financer celui d’un inconnu.
Etant donné que c’est une histoire chilienne avant tout, avez-vous trouvé un quelconque financement au Chili ?
On m’a fait miroiter beaucoup de choses au Chili mais rien ne s’est concrétisé. Au final, il y a eu une minuscule aide de la municipalité d’Iquique. Il n’y a donc pas eu de co-production avec le Chili, ce qui est malheureux.
C’est un pays très compliqué. Même si le roman fait partie de l’histoire du pays, même si les chiliens sont heureux de pouvoir participer au film, cela reste un projet de gauche. Au Chili, cela prend beaucoup de sens. Vous savez, Jodorowsky avait fait un film dans la ville de son enfance et il était très fier que l’état chilien ne l’ait aidé en rien.
Pensez-vous pouvoir le sortir au Chili ?
Cela va être compliqué, mais je l’espère.
Quelles affinités entretenez-vous avec le cinéma sud-américain ? Puisque vous avez déjà produit d’autres films sud-américains et notamment en Uruguay.
C’est un peu une succession de coïncidences. Par exemple, je connais bien une réalisatrice belgo-uruguayenne et comme ses films se passaient en Uruguay, je suis parti les produire là-bas. Mais j’ai également fait cela au Cap-Vert, en Algérie, etc. Le cinéma n’a pas de frontière.
Maintenant, un pays n’est pas l’autre. Et le Chili est assez différent du reste de l’Amérique latine. Il a une position quasi insulaire à cause de la Cordillère des Andes.
L’histoire est tirée d’un roman écrit par Hernan Rivera Letelier. Avez-vous du adapter le texte ?
C’est Bernard Giraudeau qui a écrit le scénario. De mon côté, je n’ai rien signé d’un point de vue scénaristique.
Vous mettez en scène l’actrice belge Marie Gillain qui, selon certaines sources, était déjà pressentie pour ce film à sa genèse. Pour quelle raison sa présence était-elle une évidence ?
J’avais suggéré Marie à Bernard à l’époque où il était encore le seul réalisateur. Il l’avait rencontrée et elle était effectivement devenue une évidence pour incarner le personnage d’Hirondelle.
Pourquoi elle ? Car, outre le fait que ce soit une excellente actrice, elle a une image de juvénilité qui correspondait très bien à ce personnage de vieille fille un peu innocente.
Quelle est l’importance de la musique dans votre réalisation ?
Elle est fondamentale. Il y a la musique OFF qui porte toutes les émotions et la musique IN qui est en réalité très joyeuse, que ce soit le jazz dans le bordel ou les fanfares. Cela accompagne la vie de ces gens, certainement davantage à cette époque qu’aujourd’hui.
Le titre original était d’ailleurs « Mirage d’amour avec fanfare ». Pourquoi avoir enlevé le mot « fanfare » ?
Je ne voulais pas trop intellectualiser le film. C’est avant tout un film populaire et il ne faut donc pas faire peur au public.
L’image du film est très belle, mais parfois fort contemplative. N’avez-vous pas eu peur de ralentir votre film avec ces scènes ?
Le rythme d’un film est quelque chose de très compliqué. Si on a tout le temps le même rythme, il n’y a plus de relief. Je pense donc que des moments plus lents en rapport à des moments plus rapides permettent de créer du rythme.
Les couleurs de votre film semblent étonnement chaudes. Qu’avez-vous voulu faire passer comme message visuel ?
Les couleurs chaudes symbolisent le bonheur et la positivité, tout simplement.
Mais c’est également le cas dans les moments tristes…
Oui, c’est un choix que nous avons fait avec le chef op. Mais nous avons même été plus loin. Certaines couleurs ont été exclues de la palette, ce qui permet d’aller plus loin que la réalité.
Pour en revenir au genre, pensez-vous que la romance ait encore une place dans le cinéma contemporain ?
Oui. Moi, je suis assez fleur bleue et j’aime les romances. Je pense donc qu’il existe un public pour des histoires apportant une émotion positive. Mais il est vrai que de nombreux cinéastes ont peur de ce genre, par pudeur peut-être.