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    Histoire de la violence au Théâtre National

    Mise en scène de Thomas Ostermeier, d’après le texte d’Edouard Louis, avec Christoph Gawenda, Laurenz Laufenberg, Renato Schuch et Alina Stiegler. Du mercredi 23 au dimanche 26 janvier 2020 au Théâtre National. Crédit photo : Arno Declair

    Le spectateur prend place face à une scène de crime où se trouve un homme inanimé. Un groupe inspecte, décortique et nettoie chaque recoin avant que la pièce nous fasse revivre les heures qui ont précédé. Thomas Ostermeier choisit de mettre en scène Histoire de la violence, le roman autofictionnel d’Edouard Louis. L’histoire d’une rencontre qui tourne mal et de la tendresse qui devient monstrueuse.

    Nous remarquons tout de suite le travail recherché du corps, ponctué de chorégraphies et de rencontres physiques. Le rythme, soutenu dès le début grâce à la fougue du batteur Thomas Witte, nous lance à la poursuite du souvenir. Il fait retentir la tension tandis que la vidéo scrute les moments d’intimité. Elle vient observer chaque détail et reconstruit méticuleusement les faits. La vérité est réécrite à travers l’archive, le souvenir et la croyance. Chacun y ajoute son interprétation, ce qui trouble la réalité.

    Les points de vues sont multiples. Les acteurs se partagent les rôles de la sœur, de la police, des infirmiers, et bien sûr celui de l’agresseur, tandis que Christoph Gawenda joue le protagoniste Edouard Louis. Les barrières spatio-temporelles sont brisées par les dialogues et alimentent une dramaturgie intelligente, complexe et drôle. Malgré une histoire tragique, la mise en scène donne à chacun de ses personnages une véritable humanité qui nous fait rire à leurs dépends. On balance entre une situation attachante et cauchemardesque. Les personnages se regardent et se coupent. La salle est remplie de voyeurs, sur scène et dans le public, qui n’attendent qu’à nourrir leurs préjugés, et leurs propres histoires. Si les personnages incarnent ce qui pourrait être des stéréotypes, ils ne tombent jamais dans l’outrance. Edouard accuse sa famille de ne pas accepter sa sexualité, tandis que eux démentent. La police énonce des généralités racistes et Edouard cherche à défendre son agresseur. On ne sait pas qui dit vrai, puisque chacun a le droit à son plaidoyer.

    Comme le titre l’indique, Thomas Ostermeier cherche à comprendre comment une situation de violence se met en place. Il explore la complexité des sentiments de la victime ainsi que de l’agresseur, et observe comment le jugement extérieur impacte la mémoire. Il n’est donc pas surprenant de voir le protagoniste citer Hannah Arendt  et sa thèse sur La banalisation du mal. Peut-on comprendre et faire preuve d’empathie envers le criminel ? En racontant une agression homosexuelle commise par un homme d’origine maghrébine, la pièce n’a pas peur de toucher à un sujet polémique. Si l’on peut alors craindre les préjugés, elle empêche tout amalgame en les dénonçant.

    A la manière d’Histoire du théâtre de Milo Rau, Histoire de la violence n’offre pas de conclusion et questionne la mémoire et son impact. Que faire de la tendresse lorsque que le corps et l’esprit sont traumatisés ? Que faisons-nous avec le souvenir de la violence ? Doit-elle tout balayer sur son chemin ?

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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