auteur : Patrick deWitt
édition : Actes Sud
sortie : mars 2017
genre : roman
Lucien Minor, dit Lucy, est un jeune homme sans ambition. Lorsque le curé du village le recommande pour une place de domestique au manoir du Baron von Aux, il quitte enfin son village natal de Bury et affronte, contre toute attente, la vie.
Ce que ce pitch ne dit pas, c’est la folie de ce livre. Mais qu’avait donc fumé Patrick deWitt lors de l’écriture de son dernier-né? Ce roman peut se lire à la fois comme une bonne comédie mais également comme une fable qui, par le biais de l’absurdité, démontre les inégalités entres les classes mais aussi la folie et les dérives que le pouvoir peut entraîner. Ainsi, s’il fallait faire des comparaisons connues du grand public, on pourrait rapprocher ce roman à un Alice au pays des pervers revisité par les Monty Pythons.
Ainsi le lecteur suivra ce brave Lucy qui n’est en fait pas si brave que ça quand on commence à le percevoir au fil des pages. Du haut de ses 17 ans, ce pauvre petit orphelin de père est en fait un menteur sournois et manipulateur. Un anti-héros que l’on aime détester et à qui l’on donnerait volontiers une bonne paire de baffes. Si sa vie est pleine de rebondissements, c’est uniquement dû aux rencontres qu’il fait. Ce mollasson ne provoquera jamais son destin. S’il vous agace, c’est que l’auteur aura apporté sa petite contribution à l’amélioration de votre existence de lecteur attentif, à savoir que vous ne voudrez plus attendre que tout vous tombe tout cuit dans le bec comme le fait cet amorphe de Lucy. Chacun détient ce pouvoir à la fois simple et complexe d’agir sur sa propre vie. Une prise de conscience voire un réveil, le tout en lisant un bouquin drôle, bien écrit et bien traduit, chouette non ?
Parlons-en de ses rencontres. Des personnages aussi excentriques qu’inattendus apparaissent au cours de l’histoire dans le petit monde de Lucy. Vous aurez de tout : une honnête femme qui a le vice de se réfugier dans le fromage pour oublier ses malheurs, un oiseau asocial, un homme exceptionnellement beau (et c’est l’auteur qui le dit!) ou encore un noble nudiste bouffeur de rats. Le tout arrosé d’hommages au dieu pickpocket et de croyances villageoises à propos d’un obscur Très Grand Trou. Vous aurez tant de choses toutes plus étranges les unes que les autres à découvrir lors de cette plongée au pays des farfelus.
Pour ne pas faire que des éloges à propos du travail de monsieur deWitt, il est possible qu’une catégorie de lecteurs n’accroche pas à cet univers. Heurs et malheurs du sous-majordome Minor surfe peut-être sur la mode des séries mettant en scène la vie quotidienne de domestiques au sein d’immenses propriétés victoriennes dirigées par des maîtres sadiques et immoraux, baignées de sombres intrigues et de gigantesques bibliothèques à astiquer du matin au soir. Cependant, les fans de Downton Abbey ou de Gosford Park pourraient ne pas trouver ce livre à leur goût, faute d’une loufoquerie omniprésente et de codes du genre non respectés, voire totalement bafoués.
Pour tous les autres, ne boudez pas votre plaisir et laissez-vous entraîner dans cette atmosphère totalement à part aux côtés de Lucy qui, malgré sa fourberie et son indolence, devra faire face à des sentiments et des rencontres qui pourraient le faire grandir et devenir un poil moins agaçant. A vous de découvrir si la métamorphose aura lieu ou non…