Heaven is for real
de Randall Wallace
Drame
Avec Kelly Reilly, Greg Kinnear, Margo Martindale, Thomas Haden Church, Jacob Vargas
Sorti en DVD le 10 septembre 2014
Heaven is for real, ou comment comprendre qu’une bonne assurance santé vaut plus que toutes les prières du monde.
Si l’hégémonie culturelle américaine est une réalité dont on peut discuter l’intensité de sa perforation dans nos espaces nationaux et mentaux, il reste que nous avons très largement incorporé non seulement la grammaire cinématographique, mais également les codes culturels.
Cependant, il est une nuance importante que l’on oublie très souvent de mentionner. Les films qui nous arrivent des États-Unis sont pour la plupart des productions taillées pour l’international. Ce qui veut dire que si l’on ne peut en nier les caractéristiques proprement « américaines », cette production lisse, volontairement ou non, son propos pour convenir à l’audience la plus large possible. En conséquence de quoi tout un pan de la production cinématographique nous échappe, faisant écho de problématiques plus locales, héritières de mode de pensée, de tradition, d’histoire, etc. Et constitue par la suite, dans le cas qui nous concerne, des productions artistiques nécessitant un niveau d’acclimatation plus grand, afin d’en saisir les codes.
Pour l’anecdote, et pour rendre ce propos explicite, l’exercice qui consiste à cocher les artistes musicaux américains explosant les ventes de cd et les recettes des tournées est toujours étonnant. Outre les inévitables stars (Springsteen, Madonna, etc.) figurent dans le top 10 des chanteurs (country) absolument inconnu dans nos contrées.
Notre héros, un pasteur bien comme il faut, se coupant en huit pour sa communauté (outre ses fonctions religieuses, il est menuisier, pompier volontaire, coach de basket, joueur de baseball, etc.), vit avec sa jolie femme (à la maison) et ses enfants. Mais voilà, les temps sont durs et l’argent manque cruellement…
Ce qui fait de Heaven is for real, dans une certaine mesure, le genre de produit culturel décrit en introduction se reflète dans énormément de situations décrites dans le film. Une des plus éloquentes : difficile d’imaginer dans nos contrées (mais pour combien de temps encore ?) qu’une famille, certes avec quelques difficultés financières, attende quatre jours pour amener leur fils ayant 40°C de température chez le médecin ? Et qu’une banale appendicite se transforme en septicémie avancée ?
Ce n’est pas tout : parmi tant d’autres de gap culturel se joint la lourde bigoterie – assumée – du film. (le titre n’est pas trompeur, pour le coup). Plutôt que mettre en question le système de santé, la famille du souffrant s’adressera au Tout-Puissant avec véhémence, tout en priant sur le côté. Et tout le reste de film, il est difficile d’éviter de penser tout ce que cette foutue assurance nous aurait épargné.
Dans une situation médicalement critique, – mais stable ! (il ne peut donc pas avoir eu une « near death experience) le fiston s’en va tutoyer les anges, et s’assoir sur les genoux de Jésus (lequel a un cheval multicolore). Et le film de s’enfoncer dans des questionnements métaphysiques sur le Paradis comme Vérité (certains membres de la congrégation accueillant par ailleurs avec fraicheur les projecteurs que braquent sur eux les révélations du petit garçon). Mais tout est déjà joué d’avance et même les plus récalcitrants se joindront à l’idée que oui, le fils du pasteur a bien visité le Paradis. Tout se termine dans une concorde ultra niaise, où la femme du pasteur révèle qu’elle est enceinte et ne s’émancipera donc pas de sitôt du foyer familial, et où l’on apprend que Jésus a les yeux bleus-verts. Grotesque. (Mais je lui mets une étoile, car je pense que le réalisateur a réussi à faire le film qu’il voulait. Pour voir de vrais films « mystiques », se tourner vers Tarkovski ou Malick).