Scénario : Nicolas Hénin
Dessin : Kyung Eun Park
Editions : Dargaud
Sortie : le 16 septembre 2016
Genre : BD journalistique
Haytham Al Aswad est un nom que vous avez peut-être déjà entendu. C’est ce jeune Syrien qui a récemment passé son bac français et dont on trouve de nombreuses interviews dans les médias. Mais c’est sur un tout autre support que les habituels journaux télévisés que se livre aujourd’hui Haytham. En effet, son parcours nous est ici révélé par Nicolas Hénin et Kyung Eun Park dans leur dernière (ou première dans le cas de Nicolas Hénin) bande dessinée Haytham, une jeunesse syrienne.
Dans le contexte actuel des choses, le lecteur aurait pu s’attendre à un récit imagé traitant de la montée du terrorisme et de l’intégrisme dans ces régions. Mais ce n’est pas le cas : l’accent est mis ici sur la situation politique du début des années 2000. C’est, en effet, avec des yeux d’enfants qu’Haytham nous y raconte la mort d’Hafez El Assad, le printemps de Damas, la montée du régime de Bachar El Assad ou encore le printemps arabe. Fils d’Ayman Al Aswad, grande figure de l’opposition syrienne, Haytham et sa famille vont finalement être contraints de fuir Deraa, leur petite ville située dans le sud de la Syrie, pour trouver asile en France.
Si le dessinateur coréen Kyung Eun Park possède bien une formation en illustration, le scénariste Nicolas Hénin, quant à lui, se livre avec Haytham, une jeunesse syrienne à une expérience nouvelle, étant journaliste de profession. Néanmoins, la situation actuelle du Proche-Orient reste pour ce dernier un sujet de prédilection. Il est notamment personnellement touché par le cas de la Syrie puisqu’il fut retenu en otage de 2013 à 2014 par l’Organisation Etat Islamique aux côtés entre autres de feu James Foley. En connaissant donc la formation première de Nicolas Hénin, il est intéressant de faire un point sur l’essor de cette nouvelle pratique littéraire qu’est la bande dessinée journalistique.
Après l’américain Joe Sacco, précurseur du genre, nombreux journalistes ou scénaristes se prêtent à cet exercice non sans risque puisque l’auteur (ou dans ce cas-ci les auteurs) doit être capable de restituer des éléments qu’il n’a parfois jamais vu, sur base de témoignages. La bande dessinée journalistique, en pleine voie de développement, reste néanmoins très agréable à lire lorsque celle-ci est bien construite et lorsque le dessin semble réaliste comme c’est le cas de Haytham, une jeunesse syrienne.
A la mode de Marjanne Sattrapi ou encore Marzena Sowa, le côté autobiographique en moins, Nicolas Hénin et Kyung Eun Park parviennent à aborder des sujets politiques lourds et âpres de manière légère grâce à un regard innocent. De plus, Haytham, une jeunesse syrienne trouve l’équilibre parfait entre les explications illustrées du contexte historique de la Syrie et les petites anecdotes de la vie quotidienne de la famille Al-Aswad qui aident à adoucir le récit. C’est donc avec plaisir que le lecteur se plonge dans un univers tendre, souligné par un trait de crayon assez délicat et de beaux jeux d’ombres et de lumières, qui éclairent pourtant sur le point de départ de ce qui devient aujourd’hui un problème mondial.