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    Hamlet est amusant ? Au Théâtre du Parc jusqu’au 21 octobre.

    De William Shakespeare, mise en scène de Thierry Debroux avec Itsik Elbaz, Anouchka Vingtier, Jo Deseure, Serge Demoulin, Fabian Finkels, Christian Crahay, Adrien Letartre, Camille Pistone, Valentin Vanstechelman, Baptiste Denuit, Jonas Jans, Amandine Jongen, Coralie Scauflaire. Du 14 septembre au 21 octobre 2017 au Théâtre du Parc.

    Après le succès des Trois Mousquetaires et de L’île au trésor ces deux dernières années, Thierry Debroux revient aux classiques du théâtre et adapte cette fois le Saint-Graal de la scène, William Shakespeare. Après avoir trouvé en Itsik Elbaz, l’acteur parfait pour le rôle titre, rien n’empêchait Debroux de réaliser son fantasme de jouer Hamlet et de tenter de communiquer cette histoire aux nouvelles générations, loin du classicisme poussiéreux auquel ce récit est généralement associé, quitte à légèrement modifier cette institution.

    L’histoire est toujours la même : le Roi est mort, la reine se remarie aussitôt avec son beau-frère Claudius et Hamlet vit mal la situation. Une nuit, il voit le spectre de son père, lui demandant de se venger de Claudius qui l’a empoisonné. Afin d’assouvir sa vengeance en toute discrétion, Hamlet simule la folie et tente de trouver les preuves de la culpabilité de Claudius. Polonius, le conseiller du roi, pense qu’Hamlet est devenu fou à cause de l’amour qu’il portait à sa fille. Mais quand on simule la folie, il est difficile de ne pas y succomber à son tour et tout aussi difficile de prévoir les conséquences dramatiques que cela engendrera sur son entourage.

    Si l’intrigue de base est restée la même, c’est ailleurs que Debroux impose sa patte. Tout d’abord, l’endroit n’est plus forcément le Danemark (la fameuse réplique « Il y a quelques chose de pourri au royaume du Danemark » est coupée à sa moitié) mais les costumes ou le décor d’église orthodoxe symbolisent plutôt la Russie des Tsars. Ensuite, le texte est raccourci, resserrant l’intrigue et « tuant » au passage quelques personnages et le langage est parfois simplifié pour une meilleure compréhension actuelle. Enfin, l’intensité et la dramaturgie de la pièce est quelque peu différente de l’imagerie populaire : dans cette version l’humour est omniprésent.

    Et c’est dans ce traitement de l’oeuvre de Shakespeare que le bât blesse. Si la première partie, placée sous le signe de la folie d’Hamlet trouve une réjouissante fraîcheur dans l’humour apporté par le talent d’Itsik Elbaz (littéralement possédé par le rôle), il est plus étonnant que ce côté burlesque persiste après l’entracte alors même que les scènes les plus tristes mais aussi les plus belles s’enchaînent. La dérision permanente empêche le spectateur de se délecter totalement des mots et des situations dramatiques tant attendues. Pourtant, trois scènes restent emblématiques par l’interprétation des comédiens : la confession et le repentir de Claudius dans l’église (un Serge Dumoulin déchirant), la folie d’Ophélie (Anouchka Vingtier réalise une performance époustouflante et effrayante, tant sa folie semble réelle) et les derniers mots de la fin, prononcés par Elbaz qui a finalement cessé de rire.

    Au final, l’Hamlet de Debroux se vit en demi-teinte, d’un côté on est ravi de découvrir cette pièce mythique avec tout le talent visuel propre au Parc et grâce à la virtuosité des acteurs qui se délectent des mots de Shakespeare. Mais d’un autre côté, on ne saisit pas entièrement la volonté de tourner en dérision la majorité de l’histoire et on regrette de ne pas avoir vécu assez profondément les intenses moments d’émotions que promet la pièce. Malgré tout, on ne peut que concéder au metteur en scène d’être fidèle à son parti pris et laisser au public le choix d’adhérer ou pas à celui-ci.

    Loïc Smars
    Loïc Smarshttp://www.lesuricate.org
    Fondateur, rédacteur en chef et responsable scènes du Suricate Magazine

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