Le Bon Gros Géant (Le BGG)
de Steven Spielberg
Famille, Aventure, Fantastique
Avec Mark Rylance, Ruby Barnhill
Sorti le 20 juillet 2016
Dans un orphelinat de Londres, une jeune fille aperçoit par la fenêtre un géant arpentant habilement les ruelles étroites de la ville. Démasqué, le géant n’a d’autre choix que de capturer l’enfant – prénommée Sophie – et de l’emmener au pays des géants. Alors que ce dernier est d’un naturel affable, ce n’est pas le cas des autres géants qui, eux, sont cruels et malveillants. Pour se protéger mutuellement, les deux êtres vont user d’ingéniosité.
Dès sa mise en production, Le Bon Gros Géant avait suscité une double attente chez les cinéphiles. D’un côté, il s’agissait là d’une histoire imaginée par l’écrivain Roald Dahl (Charlie et la Chocolaterie, Matilda, Fantastic Mr. Fox, etc) et dont le succès littéraire demeurait incontestable. De l’autre, avec l’inénarrable Steven Spielberg aux commandes, l’adaptation cinématographique n’en était que davantage désirée. Pourtant, le constat final n’est pas aussi élogieux : vingt-cinq ans après Hook, Steven Spielberg ne semble plus en mesure de faire un récit pour enfants, tout en oubliant les adultes par la même occasion.
En s’attaquant à cette histoire de géants, le cinéaste américain s’est surtout attaqué à un incontournable de la littérature pour enfants : l’orphelin. Sauf que Steven Spielberg ne semble pas en avoir cerné la symbolique ni la puissance émotionnelle. De fait, tout comme Peter Pan, Harry Potter ou Mary Lennox et Colin Craven (Le Jardin secret) avant elle, Sophie est orpheline. À l’instar de ses congénères, ce personnage sert avant tout de palliatif à son auteur pour se soigner de ses propres blessures familiales. Que ce soit la disparition d’un enfant ou d’un parent (ici de la première fille de Roald Dahl décédée d’une encéphalite à l’âge de sept ans), le personnage de substitution part en quête d’une aventure imaginaire, loin de sa condition solitaire et sépulcrale, où la douleur deviendra une force, où l’amitié constituera une clé.
Si ce dernier paragraphe ne vous parle pas quant à la qualité de cette adaptation du BGG, il suffit de confronter les schémas narratifs de ce genre de récit pour comprendre que Spielberg en a oublié deux éléments importants : l’apprentissage et la distanciation du réel. Dans le premier point, il faut savoir que tous les orphelins de la littérature apprennent de leurs aventures fantasmagoriques et embarquent le lecteur/le spectateur dans leur évolution. Dans le second, il est utile de comprendre que les mondes imaginaires et réels se croisent, mais ne se confondent pas. Steven Spielberg, en amenant une Sophie déjà sûre d’elle et érudite à la genèse du récit (elle est d’ailleurs assez insupportable), lui ôte toute l’empathie du spectateur. De plus, en amenant les géants dans la problématique de l’Angleterre et en amenant les humains dans le monde des géants, le script a envoyé le monde réel dans l’imaginaire et a perdu toute sa féérie.
Passé l’histoire, il reste encore au jeune spectateur à subir un long métrage aussi désuet visuellement que les landes écossaises un jour d’automne, des dialogues trop verbaux et des méchants géants dont les traits affreux hanteront à coup sûr leurs nuits. Quant à leurs parents, espérons qu’ils se réveillent à temps pour contempler l’une des scènes les plus « beanesques » du film : le dîner entre le géant et la reine à Buckingham Palace.
En résumé, Le Bon Gros Géant symbolisait le retour de Steven Spielberg dans le cinéma familial. Mais ancré trop longtemps dans le récit historique, le réalisateur semble avoir perdu une partie de sa fantaisie.