Titre : Girlfriend on Mars
Autrices : Deborah Willis
Editions : Rivages
Date de parution : Août 2024
Genre : Fiction
On connaissait ces geeks qui fantasment sur la peau cratéreuse de Mars. Et ces bimbos qui badigeonnent la leur de poudre orange pour avoir l’air plus bronzées avant de chercher la gloire à tout prix. Mais Déborah Willis nous fait découvrir une espèce mutante, fruit d’une gémination entre ces deux créatures que tout oppose : la star de télé-réalité 2.0. Celle-là ne glousse pas, en maillot, sur une plage en Australie. Ce ne sont pas des jurons marseillais qui débordent de sa bouche. Non, elle, elle parle de luzerne et d’hydroponie. Car cette star de télé-réalité 2.0, elle, elle rêve d’un tournage sur Mars.
Girlfriend on Mars est l’exemple même du récit qui s’est construit sur une idée. Amber n’en peut plus de végéter dans le deux-pièces humide qu’elle partage avec son compagnon Kevin et leurs plants de cannabis. Ses ambitions dépassent l’empaquetage de petits sachets aromatiques destinés à un commerce illégal, mais pas assez illégal – le Canada étant, selon Amber, engagé sur la voie de la dépénalisation – que pour être excitant. Alors Amber s’inscrit à un projet d’émission de télé-réalité étrange qui consiste à élire parmi les candidats, le couple le plus susceptible d’inaugurer le futur de l’humanité sur Mars. Le show qui est suivi par le monde entier en temps réel bénéficie de moyens colossaux avancés par Geoff Task, magnat de l’industrie astronautique et automobile – inutile de dire à qui il nous fait penser – et instigateur du projet. Les candidats de toutes nationalités devront traverser des épreuves aussi diverses que l’ascension d’une montagne ou encore une simulation en apesanteur. Mais, à mesure que Amber survit à ses concurrents, Kevin dépérit. Dire qu’il gère assez mal l’hypothétique voyage sans retour de sa copine serait un euphémisme. Et ce n’est pas la médiatisation de l’évènement qui l’aide à avaler la pilule.
Le pitch est inventif, du moins assez que pour se démarquer de l’océan de policiers, de drames et d’autofictions qui rayonnent nos étagères. Mais l’idée ne fait pas le livre. Et chez Deborah Willis, ça se ressent. L’alternance des points de vue est sûrement mise en place pour apporter de la profondeur. Mais ici, elle favorise un déséquilibre. Le fossé qui se creuse entre la causticité de Kevin et la superficialité de Amber est aussi profond que celui qui sépare leur destinée. Certains passages sont souffreteux, alors que d’autres nous arrachent un sourire. Mais Déborah Willis parvient, malgré tout, à nous surprendre. Girlfriend on Mars est traversé par des préoccupations qui sont diamétralement opposées les unes des autres, avec un volet appartenant plutôt à la sphère du scientifique et un autre qui relève entièrement de la culture mainstream. Et elle creuse avec un intérêt égal ces deux univers qu’elle fait cohabiter. Elle joue avec le mouvement MeeToo, la Cancel culture et d’autres références actuelles qui permettent à sa bonne idée de départ d’en faire germer d’autres.