Titre : Gianni Berengo Gardin
Autrice : Giovanna Calvenzi
Editions : Actes Sud (Photo Poche)
Date de parution : mars 2024
Genre : Photographie, Arts
Chez Photo Poche, on célèbre l’arrivée des beaux jours avec un peu d’humour. Bouche bée, une femme lève bien haut sa ballerine pendant que son partenaire se contorsionne. Sélectionnés pour la couverture, ils se donnent en spectacle. Leur chorégraphie est aussi comique que spontanée. Et la suite sera à leur image car Gianni Berengo Gardin n’est pas homme à se prendre au sérieux. Tout n’est que légèreté. De gros nez dérident ses portraits masculins. Une paire de jambes dépasse grossièrement d’une table. Un chien se fait pourchasser par une statue.
Parmi les quelque deux cents livres que le photographe prolifique a publiés, la plupart sont des ouvrages commandés, par des entreprises ou des particuliers. Peu lui importe. Il n’admet pas de hiérarchie dans son travail. Il va même d’ailleurs jusqu’à cultiver une aversion pour ce qui se vante d’être artistique, prenant conscience lors d’une réunion de copropriété de la couche d’arrogance qui vernit ce terme. Pour lui, la photographie est un artisanat qui s’épanouit au contact des négatifs et dans l’arôme du révélateur. La prétention n’a pas sa place dans une chambre noire.
Son humilité le pousse même à laisser aux sujets les mérites de la photographie. Ce sont eux qui font la réussite d’une image. Pour Gianni Berengo Gardin, la réalité – comme le sujet – s’impose au photographe. Lui, de son côté, s’engage à la saisir sans la dénaturer. Il se refuse tout truchement. Aucune contrefaçon. En pratique, cela signifie qu’il s’interdit l’usage du flash et même du numérique dont la manœuvre permet trop de possibilités d’altérations. Il est moins influencé par le néoréalisme qui bouleverse l’Italie de cette époque que par la Nouvelle Vague française. Ses photographies s’inscrivent dans le mouvement de la vie. Elles endossent le rôle de témoin. Il faut dire que Gianni Berengo Gardin n’est plus tout jeune. Ses clichés balayent presque un siècle d’histoire. On y découvre notamment une Italie rurale, plongée au cœur des années 50. Les cochons envahissent les pavés avec dédain, sans même nous adresser un regard. Les herbes folles regardent les enfants de haut. Les montagnes s’offrent aux charrues. Un contrôleur de train siffle pendant que deux amants s’embrassent. Les courses équestres rassemblent. Et Venise se noie.