C’est en ce premier jour du mois de mars, jour où l’on fête aussi Saint Aubin d’Angers (évêque de Tincillac mort en 550 après Jésus Christ), que se produisait le célèbre groupe suédois, Ghost en la paroisse du 013 de Tilburg.
Mené par son actuel pape sataniste Papa Emeritus III et vainqueur aux Grammy Awards, le groupe est définitivement entré dans l’histoire de la musique en à peine huit années d’existence.
Pour ceux et celles qui ne les connaissent pas encore, Ghost, c’est cette bande saltimbanques qui s’est mit dans la tête un jour de monter un groupe de rock dont les musiciens seraient des goules anonymes qui resteraient masquées et qui seraient conduits par un pape sataniste (Papa Emeritus). Là aussi, celui-ci resterait masqué et donc anonyme et qui il serait élu un nouveau pape à chaque album.
Etant donné que Ghost a sorti son troisième album, Meliora, il y a quelques mois, nous voilà donc avec Papa Emeritus III à la tête de la formation.
Pour ce qui est de ces fameuses goules, il semblerait qu’elles aient (à défaut d’un nom) un symbole qui les caractérise. On retrouve donc Alpha à la guitare lead, Water à la basse, Wind aux claviers, Earth à la batterie et enfin, Omega à la guitare rythmique.
Mais contrairement à l’idée reçue que l’on a en voyant leur accoutrement, la musique de Ghost n’est pas extrême. Ou plutôt, elle l’est, mais à l’inverse de ce que l’on attendrait. Autrement dit, la musique de Ghost ( et particulièrement le chant) est aussi douce que leur apparence est démoniaque.
En effet, pour un groupe de rock sataniste, Ghost ressemble plus parfois à Black Sabbath qu’à Immortal.
Et c’est aussi tout l’intérêt de ce groupe, ce jeu perpétuel et ce contraste entre ce que l’on s’attend et ce qu’offre réellement le groupe.
Vous l’aurez comprit, aller à un concert de Ghost, cela s’apparente plus à un pèlerinage qu’à simplement aller suer dans un pit avec des barbares qui sentent des dessous de bras.
L’imagerie employée par Ghost est bien entendu un beau pied de nez à la religion et à ses dogmes. Néanmoins, bien qu’ils ne se prennent pas au sérieux, il semblerait que les suédois aient soigneusement détourné toute cette imagerie à leurs fins et que le résultat est saisissant tellement cela est efficace.
Mais revenons à cette fameuse soirée en terre sacrée du Gouda et des tulipes.
Il est presque 21 h lorsque je rentre dans la salle qui est presque sold-out. Je me place au fond, légèrement en hauteur de sorte à avoir une bonne vue de l’ensemble de la scène. Les lumière s’éteignent et d’autres, rougeâtres maculent la scène vers notre direction.
Une longue introduction lugubre et des moines psalmodiants d’incompréhensibles versets nous parviennent pendant deux longues minutes. La foule est impatiente et c’est le soulagement quand le groupe entre enfin sur scène lorsque le thérémine fantomatique de l’intro de Spirit résonne.
Le guitariste (Alpha) commence alors la chanson avec le batteur (Earth) et le claviériste (Wind). Arrivent ensuite le bassiste (Water) et le second guitariste (Omega).
Et c’est là que l’on comprend que le théâtre et l’illusion font partie intégrante du show de Ghost, alors que tous sont en scène, il manque le principal intéressé, le pape! (comme il est censé commencer de suite à chanter, on se demande bien où il est passé)
C’est alors que celui-ci apparait véritablement comme un sorcier venu de nul part et que l’on comprend que l’on s’est fait berner. Alors que l’on avait notre attention sur chacun des musiciens qui entrait en piste, nous n’avons pas vu le chanteur revêtu de sa robe et coiffé de sa mitre se tenir dans l’ombre, au milieu de la scène.
C’est là l’un des grands talents du groupe et de son équipe, cette faculté à faire apparaître et disparaître le pape au moyen d’effets de lumière et de fumées particulièrement bien maîtrisés et on comprend tout de suite où l’on met les pieds.
Chacun des morceaux a un visuel et une scénographie qui lui sont propres. Ainsi dans Spirit, on retrouve des lumières fantomatiques dans le fond. On a véritablement l’impression d’assister à une sorte de messe noire tout au long du concert. Le pape vient ainsi avec un encensoir sur scène qu’il remue en chantant.
Et contrairement au légendes du rock qui beuglent tout le long de leur set en demandant « Are you ready motherfuckers????? », Papa Emeritus III, lui, demande simplement et calmement à ses damnés s’ils passent un bon moment. Et tous opinent du chef, fascinés par ce personnage incroyable.
Car le leader de Ghost n’a pas besoin de courir ou de hurler. Une gestuelle précise, un regard sombre, tout est dans la suggestion et le jeu incroyablement bien maîtrisé du pape qui reviendra plus tard habillé en dandy sans son costume religieux.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme qui se cache derrière le personnage a réussi à captiver son public jusqu’à la fin.
Autre chose très remarquable et inédite de la part du groupe, lorsque vient la fin d’un concert, le chanteur passe invariablement aux présentations de ses musiciens. Mais, dans le cas de Ghost, il n’y a normalement personne à présenter, étant donné que chacun est anonyme. Et bien Papa et ses acolytes ont trouvé une méthode qui une fois de plus se joue de la norme et démontre ainsi leur sens de l’autodérision.
Alors que le claviériste et le batteurs ont quittés la scène lors que la séance acoustique qu’offrent les joueurs de cordes, le chanteur entame alors un long monologue où il parle notamment des éléments de la Terre. Et il en vient finalement à présenter les deux lascars absents de la scène, l’Air et la Terre.
On se retrouve là en commémoration de disparus comme si au lieu de présenter un musiciens qui nous servent habituellement un solo tape à l’oeil, on était plutôt en train de célébrer leurs esprits. Un façon assez humoristique qui montre aussi le grotesque parfois de ce genre de coutume.
Ghost nous a servit un show mémorable et nous ne manqueront pas de les revoir dès leur prochaine tournée.
Setlist:
Spirit
From the Pinnacle to the Pit
Stand by Him
Con Clavi Con Dio
Per Aspera ad Inferi
Body and Blood
Devil Church
Cirice
Year Zero
Spöksonat
He Is
Absolution
Mummy Dust
If You Have Ghosts
(Roky Erickson cover) (Acoustic)
Ghuleh/Zombie Queen
Ritual
Monstrance Clock
Photos : Christophe Pauly