De Tom Lanoye, mise en scène de Piet Arfeuille avec Viviane De Muynck. Du 15 au 23 février 2018 au Théâtre des Martyrs. Crédit photo : Christophe Engels.
Dans ce monologue intime, la célèbre actrice flamande Viviane De Muynck incarne la mère d’un jeune terroriste qui affronte sans tabou des questionnements douloureux dans l’espoir de comprendre l’incompréhensible.
Tom Lanoye est un écrivain flamand multiforme dont les œuvres ont donné lieu à de nombreuses traductions et adaptations depuis plus de trois décennies. Gaz, plaidoyer d’une mère damnée, est sa première collaboration avec Viviane De Muynck pour qui il a spécifiquement écrit la pièce. Il s’agit d’un « seule-en-scène » d’1h20 sans entracte mettant en scène la mère d’un jeune terroriste parti en Syrie et ayant commis à son retour en Europe un attentat-suicide dans le métro, faisant plus d’une centaine de victimes.
Si la mère questionne sa propre responsabilité et les motivations de son fils, cherchant dans les souvenirs de son enfance et de son adolescence de possibles indices de son mal-être et de son rejet des autres, c’est surtout la situation des parents des auteurs d’attentats-suicides qui interpelle le spectateur. Le contexte familial, le rôle des médias, la dimension politique et sociale des attentats, la relation entre parents de terroristes et parents de victimes… sont autant de sujets graves et complexes abordés avec un regard critique, voire parfois avec humour, créant un mélange subtil de drame et de dérision laissant une grande place à l’émotion. Si la mise en scène est minimaliste et le décor très dépouillé (un simple muret de briques en béton au centre de la scène), la grande actrice du théâtre flamand parvient à créer une relation intime avec son public dès les premières phrases et à l’accompagner en mode crescendo dans son cheminement douloureux vers l’acceptation de l’horreur, de l’impensable, pour, selon les mots de De Muynck elle-même, « comprendre sans rien excuser ».
Les parallèles réalisés entre les attentats terroristes djihadistes dans l’Europe d’aujourd’hui et les autres formes de barbarie dans l’histoire sont parfois un peu provoquantes (comme lorsque la mère s’exclame que son fils aurait pu être considéré comme un héros s’il avait tué des civils en tant que militaire engagé dans l’armée régulière), mais le malaise ne dure jamais car il s’agit avant tout d’une parole intime, subjective, remplie de doutes plutôt que de certitudes. Dans l’un des moments forts de la pièce, De Muynck fixe le spectateur droit dans les yeux en (se) posant la question suivante : « Sachant ce que je sais maintenant, le remettrais-je mis au monde ? » Après un court silence, elle conclut : « Je ne sais pas ».
Gaz se joue en français dans la grande salle du Théâtre des Martyrs à Bruxelles jusqu’au 23 février 2018.