auteur : Anne Martin-Fugier
éditions : Babel Essai
date de sortie : octobre 2014
genre : Entretien, essai, art
Anne Martin-Fugier est historienne mais possède en plus une passion pour l’art contemporain. Quoi de plus naturel dès lors que de retracer à travers des entretiens le parcours de galeristes d’art contemporain qu’elle a fréquenté à Paris ?
Avec Galeristes, l’historienne livre ici un ouvrage plein de compassion et d’émotion, un peu malgré elle. En effet, à la lecture des différents récits, le lecteur est confronté à divers parcours, chacun avec ses difficultés ou ses facilités, mais tous reliés par la passion de l’art contemporain. Cette passion est venue pour certains de manière fortuite, par le hasard des rencontres, par l’esprit de contradiction, par le besoin de s’accomplir dans une voie.
L’auteure a retranscrit onze entretiens avec divers galeristes effectué entre 2008 et 2009, tous d’horizons et de générations différents. Le choix des interviewés s’est effectué sur base purement subjective, les galeristes ont tous fait preuve d’une amitié, ou tout du moins d’une relation de sympathie de longue durée avec l’auteure. Elle présente notamment avec affection la naissance de sa relation avec chaque galeriste dans son introduction.
Nicole et Lucien Durand ont été rassemblés par l’amour de l’art contemporain et ont été porté par un projet commun. La lecture de leur entretien laisse transparaitre beaucoup d’émotion quant à leur collection. Ayant à cœur de ne pas avoir de dettes, ils se sont toujours débrouillés pour acheter les œuvres qu’ils exposaient. Ils ont malheureusement dû faire face à des « trahisons » d’artistes, qui s’en sont allés vers d’autres galeries avec plus de liquidités. Lucien Durand ne manquait pourtant pas d’esprit commercial, mais a souhaité dirigé sa galerie de la manière qui lui semblait la plus honnête possible, donnant leur chance aux artistes qu’il pressentait à talent.
Rodolphe Städler explique quant à lui comment il a choisi sa voie par peur de décevoir son père, homme d’affaire extrêmement réputé en Suisse et qui l’avait à demi-mot érigé en héritier direct pour reprendre les rênes de son empire industriel. Grand bien lui en prit, la galerie Städler s’est peu à peu construite un nom et une renommée internationale. Le galeriste évoque également la crise du marché de l’art de 1993, ou encore les périodes de creux à l’arrivée notamment du pop art, où il s’est vu contraint de se diversifier et de renouveler sa tactique commerciale.
Les liens avec les artistes découlent de l’intérêt des galeristes pour l’art, ils sont amateurs d’art contemporain avant tout. Le galeriste est en effet son premier client ! Comme de fait, plusieurs galeristes interviewés étaient collectionneurs avant d’être galeristes. Certains sont nés dans un milieu artistique, par exemple fils de grand marchand de tableaux pour Albert Loeb, ou dans les milieux aisés de collectionneur où l’art tenait une place importante. Cette sensibilisation à l’art ne peut être niée dans la vocation ultérieure de ces enfants à l’œil familiarisé avec l’art. D’autres sont issus de milieux a priori plus lointains, comme celui d’enfants d’immigrés italiens pour Lydie et Nello Di Meo, ou fils d’un employé de banque pour Emmanuel Perrotin. Certains ont gardé le même lieu d’exposition durant toute leur vie, d’autres ont déménagé à maintes reprises et se sont même exportés.
On peut appréhender la diversité des profils ici rassemblés et la richesse des entretiens qui en découlent. De par le lien d’amitié ou de sympathie qui unit l’auteure aux galeristes, mais également de par leur profonde passion pour l’art contemporain, le récit est raconté et rédigé de manière fluide et agréable. La lecture est teintée de cette simplicité, transparence et émotion qui entoure les récits de vie dévoilés.