Fuocoammare
de Gianfranco Rosi
Documentaire
Sorti le 21 septembre 2016
Récompensé par l’Ours d’Or, le réalisateur italien Gianfranco Rosi jongle entre la vie tranquille d’un petit garçon de l’île de Lampedusa et le sort malheureux des migrants dans son remarquable documentaire Fuocoammare (traduit par « la mer en flammes »).
A proximité de la Tunisie et de la Libye, l’ile de Lampedusa en Italie représente un point d’entrée central pour l’Europe. Tous les jours, des milliers de migrants traversent la Méditerranée dans des conditions catastrophiques et risquent leur vie dans l’espoir d’un avenir meilleur. Sous le feu des projecteurs depuis 2013, Lampedusa a attiré l’œil de la presse et de nombreux documentaristes. Pour montrer l’ampleur du phénomène et du nombre de décès toujours plus croissant, Lampedusa devient un symbole, une sonnette d’alarme : l’Europe doit agir.
Dans Fuocoammare, Gianfranco Rosi raconte –sans voix off – le quotidien de Samuele, un jeune garçon de 12 ans et de sa famille, simples habitants de Lampedusa. Une famille attachante et soudée, sans histoire particulière. En parallèle, des bribes d’images de migrants en check-up ou en attente ponctuent le récit ciblé sur Samuele. Féru de balades, le jeune garçon nous emmène en excursion, dans une nature boisée et idyllique. Nous sommes à mille lieux d’imaginer le drame qui se joue à quelques kilomètres de Samuele. Pour cause, le réalisateur a mis un point d’honneur à séparer les deux « univers » : jamais une fois la famille de Samuele ne s’exprime sur la problématique des réfugiés. Un contraste parfois perturbant où notre œil a du mal à s’accommoder à la juxtaposition d’images opposées. Cette divergence s’adoucit avec le seul point commun entre la vie de Samuele et les réfugiés : la mer. D’un père pêcheur, Samuele a toujours un contact avec l’eau. Sur les pontons, dans un bateau ou près d’une falaise, le jeune garçon semble si près d’eux et loin à la fois…Et puis, le fracas. A partir du discours accablant d’un médecin engagé mais marqué par ce qu’il voit tous les jours comme horreurs (décès en masse, blessures insoignables, …), la dernière partie du documentaire nous bombarde d’images cruelles et troublantes de migrants en désarroi. « On ne s’habitue jamais » disait le médecin. Ces paroles résonnent dans notre tête jusqu’à la dernière seconde du reportage et bien plus longtemps encore.
Primé en février avec le plus grand prix de la Berlinale (un des trois principaux festivals de cinéma internationaux), Gianfranco Rosi mérite amplement son Ours d’Or.